Jean-Baptiste Baronian, Rimbaud

Le Rimbe

Jean-Baptiste BARONIAN, Rimbaud, Gallimard, Folio « biographies », 2009

baronian rimbaudJean-Baptiste Baronian, après des biographies consacrées à Baudelaire et à Verlaine, signe un troisième ouvrage chez Gallimard relatif cette fois à Rimbaud.

Dans une vingtaine de chapitres condensés, l’auteur décrit le parcours du poète. D’une lecture aisée, cette biographie ne noie pas le lecteur sous des éléments pointus, réservés aux spécialistes, concernant par exemples les champs littéraire, historique ou psychologique. Le procédé mis en place relève plus de la description que d’une volonté d’analyse, d’explication argumentative ou d’introspection de type psychanalytique. Pas de révélation, de supputation ou d’informations inédites, donc, mais un regard extérieur qui se pose avec neutralité à la surface de ce que fut, en partie, la vie d’Arthur Rimbaud. Un travail qui permet de (re)mettre en lumière les éléments essentiels qui ont fondé le mythe de la personnalité rimbaldienne.

Le livre s’ouvre ainsi sur la figure maternelle. Force de caractère, que maintiennent debout des valeurs, des croyances, un souci du devoir et un sens de la moralité. Une mère tyrannique aux yeux d’un Rimbaud adolescent épris de liberté, mais qui sera toujours là, pour accueillir le fils prodigue sur le quai d’une gare, les rivages d’un port lors d’un retour de fugue, de voyage avorté ou suite à l’échec d’une entreprise commerciale. Prête à dégainer une gifle, à sermonner, à réconforter ou à intervenir financièrement, elle demeure la figure présente tout au long de la vie de Rimbaud. Elle est le port d’attache qui suit les nombreuses escapades pédestres, ferroviaires, maritimes. Elle revient au bout des cheminements et des errements réitérés d’Arthur entre Paris, Charleroi, Bruxelles, Douai, Londres, Stuttgart, l’Italie, la Scandinavie ou l’Egypte… Quelles que soient les destinations, quels que soient les rôles tenus par Rimbaud : poète, traducteur, négociant en café, chef de chantier, administrateur de cirque, marchand d’armes… la mère demeure.

Un éternel retour, qui imprime le destin rimbaldien, à l’image de cette Ardenne tant décriée qui transpire l’ennui et que Rimbaud ne cesse de fuir, mais qu’il finit par regagner chaque fois. Contraint, forcé, Rimbaud apparaît comme un personnage de l’échec, un être sisyphéen vaincu par le destin, laminé par son rocher. Un être battu en brèches  par l’ombre de l’insuccès et ramené chaque fois par la force des vagues impitoyables sur les mêmes rivages, ceux de Charleville.

Toujours dans cette idée du même, le parcours d’Arthur Rimbaud se révèle jalonné de personnes qui jouent à des degrés divers le rôle de « mentors » tels que Zambard ce professeur de lycée qui va encourager Rimbaud dans l’écriture poétique ; Banville le rédacteur du Parnasse contemporain, Verlaine bien entendu, Nouveau l’artiste admiré ou Isabelle cette jeune sœur qui l’accompagne dans son agonie après son amputation…

Rimbaud a besoin à la fois d’être admiré et d’admirer. Il se conçoit dans une solitude relative qui ne peut se passer des autres. Un pourfendeur d’ennui qui malgré ses efforts n’a jamais pu lui échapper complètement. Un Rimbaud humain, trop humain.

Laurence Ghigny


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°159 (2009)