Alain Dartevelle, Amours sanglantes

Amours sanglantes

Alain DARTEVELLE, Amours sanglantes, L’âge d’homme, coll. « La petite Belgique », 2011

dartevelle amours sanglantesL’amour et la mort. Le sexe et le sang. La passion et le crime. Des serials killers et des serials lovers. Au travers des huit nouvelles de ses Amours sanglantes, Alain Dartevelle nous entraîne dans le sillage de personnages troubles, inquiétants, comme dans Les cadavres d’amour, où un médecin légiste conjugue perversité et sensualité, ou dans Boulevard des allongées, où un vert galant qui est aussi un nain sexuel se donne le rôle d’un homme pur et dur, à travers son trésor de guerre amoureuse. On se souviendra aussi qu’Alain Dartevelle a publié en 2000 La chasse au spectre, suivi de Les Mauvais rêves de Marthe et de Borg ou l’Agonie d’un Monstre, dans cette superbe collection ʺLes Maîtres de l’Imaginaireʺ, publiée il y a quelques années par La Renaissance du Livre, où l’on pouvait lire des grands noms de la littérature fantastique belge comme Jean Rey, Thomas Owen, Jean-Baptiste Baronian, Anne Richter, Jacques Sternberg, etc. On ne s’étonnera pas de retrouver cette veine fantastique dans ces textes-ci, avec une nouvelle futuriste à la Georges Orwell où le narrateur a transféré par intraveineuse dans une cité où il est réduit à la taille d’un nain. L’occasion aussi pour Dartevelle d’interroger notre monde contemporain, et notamment cette télé-réalité qui a envahi la société du spectacle, cette fois sous la forme d’un panoptic. Apparaissent également dans Sans cœur, des humanoïdes de la dernière génération, asservis aux humains confrontés à ʺleur piteuse condition de cadavres en sursisʺ, mais où l’on se demande qui est devenu l’esclave de qui. La mégalomanie n’est jamais loin non plus et, quand la nonagénaire et passionaria de l’art Isa Telex réalise l’exploit d’assassiner 60 millions de personnes en un jour de décembre 2033, on ne peut s’empêcher à notre propre fascination pour les records repris dans un devenu célèbre Guiness Book. Le fantastique devient sous la plume d’Alain Dartevelle une arme redoutable pour ausculter nos comportements comme le voyeurisme, le capitalisme, le sadisme et autres -ismes. Cela se traduit par une écriture expressive, imaginative dans l’art de camper les situations et dans la description de certaines scènes comme celle-ci où des serveurs dressent le buffet d’un petit-déjeuner d’un hôtel asiatique : ʺLa vue de ces boys travaillant de bon cœur et le mélange des effluves, dont celui des œufs brouillés et celui de saucisses à la peau crevée, dévidant leur chair dans l’huile crépitante, m’ont rappelé que l’existence n’est pas sans mélange. Que ni le plaisir, ni le malheur ne se rencontrent au paroxysme sur cette bonne vieille terre, fût-elle exotique. »

Michel Torrekens


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°167 (2011)