Alain Dartevelle, Dans la ville infinie

Drôle de cirque

Alain DARTEVELLE, Dans la ville infinie, L’âge d’homme, coll. « La petite Belgique », 2013

dartevelle dans la ville infinieFacile, – n’est-il pas ? – de se repérer face à cet « amoncellement d’où émergeaient de loin en loin des immeubles fameux », comme le Normandy ou Saratoga Tower, en bordure de la Laguna Beach « où viennent mourir les flots de la mer des Ténèbres ». On aura (peut-être) reconnu Infinity City où va se jouer la grande comédie annuelle de la Fin de l’Histoire. Et reconnu aussi la patte d’un trousseur de récits fantastiques, à la fois imaginatifs, ingénieux et signifiants. Dans la ville infinie, propose, sous la plume d’Alain Dartevelle, une suite de textes qui s’entrelacent et se répondent dans un temps qui évoque plus une hypertrophie symbolique du nôtre qu’une irruption dans le futur. Même si l’on y retrouve les standards du genre comme les spationefs, les robots super-doués, les envahisseurs mystérieux, les procédés et accessoires sexuels high-tech ou, mieux encore, des « sphynges d’agrément », objets de plaisir en tout semblables aux humaines pur jus et équipées, elles aussi, de « colliers érotomatics ». Mais, à l’instar des personnages et des situations, ils ne semblent conçus que comme révélateurs ironiques de menaces et de dérives plus contemporaines. Impossible de tracer à travers cet enchaînement de séquences et de péripéties extravagantes un autre cheminement logique que celui du regard d’un auteur, à la fois amusé, alarmé et gourmand, romantique parfois, sur ces instants et ces comportements étranges. Ou écœurants, comme ceux des hommes experts en machisme et autres mauvais traitements. Brillante cacophonie se concluant d’ailleurs sur le coup de foudre d’un musicien dans une ville menacée par des extra-terrestres qui l’encoconnent dans une drôle de panade et livrée, comme chaque année, aux fastes de la Fin de l’Histoire.

Ghislain Cotton


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°177 (2013)