Deblander en poche
Gabriel DEBLANDER, Le retour des chasseurs, Labor, coll. « Espace Nord », 1999
La collection Espace Nord accueille Le retour des chasseurs, un recueil de onze nouvelles de Gabriel Deblander publiées chez Laffont en 1970, et leur adjoint une lecture d’Eric Lysoe, éclairée par un fragment d’un tableau de Bruegel ou par l’Adoration III de Ferdinand Hodler. Ainsi cette publication de poche offre-t-elle tous les repères nécessaires pour situer l’œuvre et l’écrivain né à Rêves (!) dans le Hainaut en 1936.
On y apprend que Gabriel Deblander, communément identifié comme un digne héritier de la veine belge fantastique, se sent, en fait, plus d’affinités d’écriture avec Giono ou Buzzati qu’avec Jean Ray ou Thomas Owen. Le retour des chasseurs puise les forces mystérieuses de ses histoires dans les noces cosmiques du soleil et de la terre, dans la fougue des éléments, dans les apparitions fugaces de créatures étranges, dans la duplicité effrayante des personnages qu’il met en scène, dans l’humus d’un terroir. Les arbres, les animaux, les herbes aux pouvoirs occultes, les gestes ancestraux, les peurs ancrées viscéralement au ventre des campagnes habitent ces récits étranges, pétris de menus faits quotidiens qui dérivent vers la haine, le désespoir, la plus noire des mélancolies, vers les sentiments extrêmes qui mènent à la folie et à la mort par tant de chemins de traverse. Des lieux à la fois précis et impalpables, des instants enfouis dans les recoins de l’histoire, voici la campagne des peurs et des reproches, avec un bestiaire fantasque et des personnages qui pourraient surgir de certains films de Bergman ou d’une toile de Jérôme Bosch, êtres mi-sorciers, mi-hommes dont les frayeurs prennent corps et se déclinent, sur cette planète du diable, en rituels sanglants mais aussi en images poétiques. La belette, les fous autour de l’arbre, le soleil des taupes, la marche de l’agneau, Le temps du feu et de la cendre, autant de contes à ne pas dormir, autant de métamorphoses à chuchoter entre chien et loup, lorsque la maison tremble sous les assauts du vent.
Nicole Widart
Article paru dans Le Carnet et les Instants n°109 (1999)