André-Joseph Dubois, L’oeil de la mouche

Œil acéré

André-Joseph DUBOIS, L’œil de la mouche, postface d’Alice Richir, Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord », 2013

L’entrée de L’oeil de la mouche dans la collection Espace Nord, trente-deux ans après sa première édition (Balland, 1981), survient alors que débute la seconde carrière littéraire d’André-Joseph Dubois.

Singulière trajectoire, en effet, que celle de ce romancier salué pour son premier roman (L’oeil de la mouche, précisément), mais qui, après un deuxième ouvrage moins réussi (Celui qui aimait le monde, 1983), s’est muré dans un mutisme éditorial dont il n’est sorti, si l’on excepte l’une ou l’autre préface, qu’en 2011, année qui marque ses début dans la collection « Plumes du coq » chez Weyrich (Les années plastique, 2011 et Le sexe opposé, 2013).

La parution dans la collection Espace Nord du premier livre de l’écrivain liégeois, devenu introuvable par ailleurs, offre donc l’opportunité aux lecteurs du Dubois nouveau de (re)découvrir les début littéraires de l’homme de Lettres et de mieux appréhender la genèse de cette œuvre romanesque atypique.

L’intérêt historique de L’oeil de la mouche ne se borne toutefois pas à éclairer le parcours de son auteur. Le roman se lit aussi comme un témoignage sur son temps. Le temps de la fermeture des exploitations minières au pays de Liège et des bouleversements sociaux et économiques qu’elle a occasionnés. Celui, aussi, de l’essor de la sociologie bourdivine, dans laquelle Dubois a trouvé un écho à ses propres préoccupations.

Par-delà l’indéniable force documentaire du livre, c’est surtout un excellent roman, à la fois agréable à lire et intelligent dans sa construction, qu’Espace Nord propose à ses lecteurs. L’écriture, précise et sèche, la peinture sociale féroce, les personnages secondaires savoureux, la structure subtile du récit, et les scènes drolatiques confèrent à cette histoire un attrait inaltéré pour le public d’aujourd’hui, et justifient amplement l’accueil de cet Œil dans la prestigieuse collection patrimoniale.

Nausicaa Dewez


Article paru dans Le Carnet et les Instants n° 178 (2013)