Avec Jean Ray, on ne sait jamais…

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Jean Ray

Il y a cinquante ans (le 17 septembre 1964), mourait Jean Ray. Et alors que son nom apparaît très régulièrement dans des histoires de la littérature où ses qualités littéraires sont unanimement reconnues, alors que des critiques et des essayistes (Arnaud Huftier, Jean-Baptiste Baronian, Eric Lysøe) ont montré que s’il est un des meilleurs fantastiqueurs, il est avant tout un grand écrivain, ses ouvrages sont quasiment absents des catalogues francophones. Pour l’instant, seuls trois titres sont disponibles dans la collection patrimoniale Espace Nord.

Ce n’est pourtant pas que Jean Ray soit dédaigné par les éditeurs tant français qu’étrangers. Tout au contraire. Ces dernières années, deux grandes maisons d’éditions françaises se sont proposé de publier, l’une l’intégrale des enquêtes d’Harry Dickson, l’autre l’intégrale de ses romans et contes. De plus petites maisons s’intéressaient à des textes moins connus. Des éditeurs étrangers se manifestaient régulièrement auprès du service des Lettres. Mais, aucun de ces projets n’a abouti, suite aux fins de non-recevoir de… l’exécuteur testamentaire. Celui-ci ne répondait à aucune demande de publication, à l’insu des héritiers qui, eux, croyaient donc que Jean Ray était un auteur passé de mode. L’histoire aurait pu s’arrêter là et l’écrivain aurait quitté le purgatoire pour l’enfer.

Mais un rebondissement inattendu a changé la donne. Depuis de nombreuses années, l’Amicale Jean Ray poursuit un double but : un travail scientifique de recherche de textes plus rares ou de variantes des textes publiés, de mise en perspective de ceux-ci et de publication pour les membres de l’association ; et une action visant à sortir de l’imbroglio de la gestion des droits. Les courriers que l’Amicale a envoyés ce printemps à la presse ont suscité l’intérêt d’une journaliste du Soir, Flavie Gauthier, qui a réussi à retrouver les héritiers et les a éclairés sur la situation. Ceux-ci ont alors confié la défense de leurs intérêts à un avocat, spécialisé en droit d’auteur et, par ailleurs, auteur lui-même. Et, fait du hasard suite au report de rendez-vous, la signature de l’accord a eu lieu… le 17 septembre dernier. Avec Jean Ray, on ne sait jamais…

L’Amicale a reçu de la part des ayants droit un mandat de conseil et de négociation avec les éditeurs désireux de publier des ouvrages. C’est cependant le cabinet d’Alain Berenboom qui détermine le montant des droits et les conditions de publication.

Cette gestion déplorable de l’héritage de J. Ray est un exemple, un peu particulier certes, du conflit entre la légitime attente des lecteurs désireux de pouvoir disposer des textes d’un auteur qui appartient au patrimoine commun et les intérêts parfois totalement opposés des exécuteurs testamentaires.

Dans ce cas-ci, le conflit d’intérêts semble enfin résolu. Les textes de l’écrivain gantois vont à nouveau être disponibles. Si reconquérir le public déjà familier de l’œuvre de Jean Ray ne présente sans doute pas de difficultés, il s’agira aussi de faire découvrir la richesse de sa production à ceux qui n’ont pu qu’en lire l’un ou l’autre conte dans des anthologies ou des revues.

Joseph Duhamel


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°184 (2014)