Peur sur la ville
Jean-Louis FONCK, Arrête, arrête, tu maitrank, Luc Pire, 2013
Qu’il chante, parle ou écrive, Jean-Luc Fonck a su faire du jeu de mots savamment navrant une marque de fabrique très personnelle et, par cela, réjouissante. Il l’atteste avec éclat – et doublement – dans le titre de son nouveau récit Arrête, arrête, tu maitrank ! Il y déploie là-aussi cet humour décalé qui consiste à présenter benoîtement les réalités les plus simples de la vie comme d’aimables plaisanteries et l’absurde comme une évidence de bon sens. C’est dans sa ville natale que cet Arlonais situe une énigme policière parfaitement « gore » et aussi imbibée d’hémoglobine que de ce maitrank, boisson emblématique de la région dont la magique aspérule odorante, par la saveur même de son nom, invite à la bonne humeur.
Pour l’heure, on ne rigole pas à Arlon. Depuis plusieurs jours des morceaux sanguinolents de viande humaine appartenant d’évidence à plusieurs corps, apparaissent en différents sites de la ville. Le narrateur – un glandeur assez reconnaissable – prête main forte au policier qui mène l’enquête pour identifier le tueur en série. L’énigme leur semble d’autant plus troublante que l’auteur de ces horreurs paraît tout savoir de leurs allées et venues comme en témoignent les lettres qu’il leur adresse, signées Le Cropeman, croquemitaine du folklore local censé happer les petits enfants avec son crochet… Est-ce l’absorption massive du sous-produit de l’aspérule – à laquelle les deux comparses ont abondamment sacrifié tout au long de leur traque – qui plonge l’issue du récit dans un surréalisme d’une inventivité délirante ? Le fait est qu’avec son humour fantasque et dans le style bonhomme de faux naïf que Fonck affectionne, ce polar titille la curiosité du lecteur avec beaucoup d’efficacité. Et, dans un louable souci de partage, lui livre aussi (normal, c’est un livre !) tous les secrets concernant le vrai maitrank.
Ghislain Cotton
Article paru dans Le Carnet et les Instants n°180 (2014)