Le 1er avril 1962, Miche de Ghelderode meurt. Ses textes sont publiés et fréquemment réédités par Gallimard, son théâtre est joué un peu partout dans le monde, des études et des thèses lui sont consacrées. S’il échappe donc à l’oubli – qui est le lot de combien d’auteurs après leur décès – , il risque néanmoins d’en quelque sorte se momifier. Car pour qu’un écrivain survive vraiment son œuvre doit être régulièrement repensée, recevoir des éclairages neufs, susciter de nouvelles façons de la lire ; son inscription dans le temps ne doit pas occulter les possibilités d’autres lectures, en fonction de l’évolution de l’histoire littéraire.
C’est parce qu’ils croyaient à l’actualité de Michel de Ghelderode, qu’en 1980 trois comparses ont créé la Fondation qui porte son nom : Roland Beyen, le spécialiste universitaire, Jean-Paul Humpers, l’acteur et metteur en scène, qui a donc choisi de « ne faire que du Ghelderode », et Roland de Bodt. Leur but était « d’établir une sorte de passerelle entre chercheurs et créateurs dont les approches différentes ont néanmoins un objet commun : la fascination pour cet écrivain d’envergure ».
L’association poursuit quatre objectifs :
- Rassembler les œuvres et les publications en rapport avec celles-ci : manuscrits et tapuscrits, éditions successives, inédits, ouvrages rares, documents iconographiques, photographies et audiovisuels ;
- Conserver ce patrimoine en assurant son archivage sur support numérique (l’on devine sans peine l’importance de ce travail, mais aussi toutes les perspectives d’études qu’il offre ainsi à l’œuvre) ;
- Mettre ces ressources documentaires à la disposition d’un large public, en Belgique et à l’étranger ;
- Promouvoir la connaissance de l’œuvre par des moyens divers, spectacles, animations, conférences, concours, site sur l’internet.
La Fondation joue ainsi un rôle d’information irremplaçable, pour tous ceux qui veulent entreprendre une étude ou mener une démarche créative. Elle navigue entre les conseils de recherche, l’obtention de certains textes rares et les suggestions d’animation diverses. On pense ainsi à la conduite du Festival Ghelderode à Kinshasa en 2001 ; mises en scène par des compagnies congolaises, exposition et conférences. Mais aussi, en 1994, à L’affaire Ghelderode, destiné aux écoles belges ; chaque classe se voyait proposer d’instruire à charge et à décharge un procès à Michel de Ghelderode, accusé de misogynie, d’antisémitisme… et de jouer ce procès.
La Fondation publie également un Bulletin de liaison, d’excellente facture, offrant des études sur des points précis, et répercutant les informations utiles. Le site internet, en élaboration constante, représente lui aussi une source d’informations ; il est consulté du monde entier, preuve de l’intérêt que continue à susciter le dramaturge.
Un nouveau projet est né, celui d’un prix qui récompenserait « toute personne – sans limitation d’âge ou de nationalité – qui aura présenté, sur le continent européen, une création originale particulièrement remarquable, liée à l’œuvre ou à la personne de Michel de Ghelderode ».
Le prix peut être attribué à un interprète, un réalisateur, un metteur en scène, un metteur en ondes, mais aussi à un scénographe, un chorégraphe, un compositeur, ou encore un artiste peintre (quelle que soit sa technique), un graphiste, un photographe, un sculpteur, un chercheur, un essayiste, un auteur, qu’importe, pourvu que la démarche créative porte sur Michel de Ghelderode. Le prix est triennal et s’élève à 2.500 €. Le règlement précis et des informations complémentaires peuvent être obtenus auprès de Jean-Paul Humpers à la Fondation.
Joseph Duhamel
Mise à jour (15 mars 2022) : la Fondation Ghelderode a cessé ses activités en 2016. Son site internet, qui n’est pas actualisé, reste toutefois consultable en ligne.
Article paru dans Le Carnet et les Instants n°124 (2002)