Gaston Compère : « J’ai cent ans » – 27 novembre 2024

Gaston Compère

Gaston Compère

Et d’abord j’ai été ravi que, dès le début de cette proposition, on ait pensé à la partie féminine de moi-même : « cher amie » m’a ravi. Cette partie est celle que je préfère, et de loin. Par ailleurs, cette partie de moi est comme la soeur de ma femme et leur amitié rend la vie extrêmement douce dans ce pays étriqué et féroce qui est le mien. R. Proudhon a écrit que le monde de l’Art, donc des Lettres, est un monde acrimonieux, lâche et vénal. J’ai pu expérimenter la chose. Mais la Providence m’a permis de louvoyer sans trop de mal entre des gens qui en voulaient à mon ombilic. La Loi leur refusant la décapitation, ils cherchaient à mettre les gens à leur hauteur en raccourcissant les jambes. Cher pays. On a écrit que les écrivains ne lisent pas leurs confrères mais les surveillent. Des matons à tous les angles de la prison – armés. C’est l’amitié de quelques vrais amis qui m’a permis de survivre, et particulièrement celle de quelques écrivains incontestables, d’une probité parfaite. Ils m’ont consolé des ecchymoses de la Bêtise et permis d’écrire, à vue de nez, une quarantaine d’ouvrages. Je leur voue la gratitude d’avoir vécu sans ennui, dans la meilleure aura du monde. Mes ouvrages préférés, à tort peut-être, sont les musicaux : la Musique est en nous la plus délicieuse part de Dieu.

Gaston Compère


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°100 (1997)