Guy Vaes : « J’ai cent ans » – 27 janvier 2027

Guy Vaes

Guy Vaes

Ce que j’aimerais qu’on pense de moi l’année de mon centenaire –, à supposer qu’on me lise encore ?

Qu’on ne s’attarde pas au personnage. Le volet biographique n’explique pas grand-chose (et le ferait-il…) ; il nous éloigne de l’analyse de ce que Nabokov appelait « le jeu divin de la création ».

Si néanmoins je cédais à un élan de sentimentalité, d’égocentrisme irrépressible, je conserverais ces traits-ci : il aima par-dessus tout la promenade ; il souffrit d’une aversion pathologique à l’égard du travail social ; le monde lui parut un lieu de découvertes, mais un lieu rebelle aux améliorations ; il vit en Londres une projection de la Jérusalem céleste ; il ne fut pas vraiment un marginal dans la mesure où, citons Gombrowicz : « Chacun de nous est le XXe siècle ».

J’espère que certains liront encore L’envers, ainsi que Londres ou le labyrinthe brisé ; qu’on retiendra quatre ou cinq de mes poèmes (si on réussit à mettre la main dessus) et qu’on exposera, à la faveur de je ne sais quelle initiative, quelques-unes de mes photographies, celles qui s’efforcent de prolonger ce que l’éphémère a d’irremplaçable.

Guy Vaes


Texte publié dans Le Carnet et les Instants n°100 (1997)