Thierry Horguelin, Choses vues

Dans les lunettes de Thierry Horguelin

Thierry HORGUELIN, Choses vues, L’Oie de Cravan, 2012

horguelin choses vuesQue peuvent bien avoir en commun un contrôleur de trains débonnaire, un sosie de Jean-Pierre Léaud, une femme qui se déchaîne sur la voiture de son mari adultère, un joueur de harpe celtique ou encore une dame endormie qui compte sur ses doigts ? Tous ont croisé un instant le regard alerte et la plume concise de Thierry Horguelin qui les a pris sur le vif et photographiés en flagrant délit d’existence.

C’est déjà le troisième livre que publie le plus belge des écrivains québécois à l’enseigne de l’Oie de Cravan, qui naît selon Scutenaire – des mâts pourris des navires perdus au golfe du Mexique. Horguelin est avant tout un modeste et discret observateur. Le charme de ses Choses vues est qu’elles nous emmènent dans une recension jamais pesante des passages de l’improviste dans notre quotidien. Il excelle à décrire sans jamais juger, et nous offre ainsi des anecdotes anodines ou burlesques. Si les lieux changent, le cadrage et le ton – à distance ironique – restent le même. L’auteur nous rappelle que la vraie vie est ici, source de micro-fictions pour celui qui veut bien prendre la peine de les voir. Cet art de la précision se coule avec bonheur dans une prose classique qui ajoute une touche à la Queneau  à cet ensemble de textes, dont chaque page pourrait être le point de départ d’un « exercice de style ».

Horguelin, comme ses maîtres Félix Fénéon et Jacques Sternberg, est champion de la prose brève. Il parvient en quelques monologues à camper un individu et à créer une atmosphère où le malaise, l’humour et le fantastique trouvent un écho. Volontiers oulipien à ses heures, Horguelin promène sur notre monde, par le biais d’une cinquantaine de rencontres inattendues, un regard décalé et humaniste à la fois. Cette microscopique comédie humaine est un régal pour l’intelligence et le sourire.

Martin Colin


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°174 (2012)