Philippe Jones, De pierre en nuage

Riches, légers, profonds

Philippe JONES, De pierre en nuage, Taillis Pré, 2009

jones de pierre en nuageLe dernier recueil de Philippe Jones, De pierre en nuage, loin d’être un testament, est un livre résolument tourné vers l’avenir. Dans une écriture brève, le poète revient à des thèmes chers : la beauté, le désir de la femme et du monde.  Il s’agit d’un recueil qui se divise en douze parties composées chacune de trois à cinq poèmes. Chaque titre des douze sections semble contenir un programme, un parcours : Jeu de pierre, Tracer juste, Tout est brume, Etre à même, Tenir l’aube… De courts poèmes en prose peuplés d’alexandrins cachés courent sur les pages paires ; les poèmes en vers libres semblent préférer l’impair.

De bout en bout, le poète nous invite à la vigilance, mais aussi à l’action. Certes, la pierre jetée au nuage retombe et survivra à l’homme. Mais la liberté exige qu’on évite de s’ensabler en soi-même, et Jones de nous rappeler que « lutter pour imposer la vérité d’un dogme, c’est comédie ou mort ». S’ensuivent des poèmes, riches, légers et profonds, qui captent la lumière, l’intelligence des choses et des objets. Le livre peut se lire comme un chant murmuré au temps qui passe, dans l’intimité d’une observation toujours inquiète de la proximité du monde. Philippe Jones y peaufine son classicisme intemporel, en explorant sa perception de l’insolite.

Et chaque mot est là, posé comme on pose un choix, un acte très conscient.

C’est une poésie volontiers matérialiste, mais réconciliée avec la pensée, connectée aux élans de l’âme humaine. Chez Jones, tout est visible : le mot passe par l’œil. La brume, l’aube, le nuage, la pierre sont autant de vocables qui laissent une trace tangible. Et la beauté est là, point d’achoppement de toute réflexion poétique, puisque ce recueil est aussi un hymne à la femme et à l’avenir de la vie : car « Si l’on saisit le jour / il faut se protéger / et si le jour est femme / demain sera ouvert ».

Philippe Jones, lyrique pensant, sait chanter aussi bien en vers que dans ses proses. Sa phrase ouverte accueille le chemin et les pas d’un homme qui vit encore l’aventure de l’être et qui n’a pas fini de voir et de faire voir. Jones n’est pas un poète qui se cogne au réel, il le dénoue.

Karel Logist


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°160 (2010)