Subtiles correspondances
Philippe JONES, Image verbale, image visible, Taillis Pré, 2013
Il arrive que l’image visible et l’image verbale, par une mystérieuse alchimie, se rejoignent, se répondent. Philippe Jones se penche aujourd’hui sur les correspondances tissées au cours d’une soixantaine d’années entre sa poésie et l’art de dessinateurs, peintres, graveurs, sculpteurs : accords intimes, subtils, qui se sont concrétisés sous la forme de recueils illustrés, de livres-objets…
Dans Image verbale, image visible, il évoque avec précision et sensibilité ces collaborations fécondes, prolongées en précieuses amitiés.
De Lismonde à Gabriel Belgeonne, de Raoul Ubac à Serge Vandercam, il raconte, éclaire, scrute le passionnant dialogue qui se crée entre l’image poétique et l’image plastique.
Au fil des pages, relevons celle que lui inspire Gaston Bertrand, dont un portrait de Philippe Jones figure en frontispice d’Être selon (Le Cormier, 1973) : « l’essentiel n’est pas la ressemblance d’un nez, d’une bouche, d’une oreille, mais un agencement nécessaire, et qui ne peut être modifié, de traits et de couleurs. […] L’exigence, lorsqu’elle s’exhausse, porte en elle la durée et, pourquoi pas, une joie profonde. »
Cette réflexion pénétrante, à propos de son recueil Image incendie mémoire, illustré (ou plutôt « enluminé ») par les xylographies en couleurs de Gustave Marchoul (Le Cormier, 1985) : « Pour moi les trois termes fonciers de la création. L’image qui boute le feu à l’imaginaire et éveille la mémoire, mobilisant d’un coup toute la force sensible et intellectuelle. »
Ou encore les mots sur lesquels s’achève son évocation de Jo Delahaut, dont toute toile « définit une aire, un peu comme le fait l’oiseau. L’espace est donc, à la fois, délimité et ouvert » : « une image ne vit qu’à la force d’un rêve ».
Francine Ghysen
Article paru dans Le Carnet et les Instants n°182 (2014)