Philippe Jones, Parenthèses

Ouvrir des parenthèses

Philippe JONES, Parenthèses, Le Cormier, 2013

jones parenthesesD’emblée, au seuil du livre, le poète Philippe Jones se plaît à nous donner sa définition de la parenthèse qui est « ce qui se pense et se dit sans en avouer l’éventuelle importance ». Et le lecteur est en droit de penser que ces mots conviennent aussi pour définir la poésie pudique et réflexive que voici.Professeur émérite de l’ULB et conservateur des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, s’il a depuis longtemps trouvé sa forme, Jones la raffine et la peaufine de recueil en recueil. Et ce, jusqu’à ce que le poème, nous confiait-il il y a quelques années, se formule presque lui-même. Jones manie un vers libre oscillant entre le demi-alexandrin et l’octosyllabe et structure son poème avec une infinie précision. Dans Parenthèses, on notera, au sein d’un même texte, l’alternance de proses et de courts vers libres qui ne sont pas sans rappeler le haïku : «L’arbre fouille la poche des nuages / il y trouve une clef / chacun rentre chez soi ». Chez Jones, tout passe par le regard et s’articule en fonction de l’indispensable visualisation du monde. Si ce recueil est mince, chacun de ses poèmes est riche et fécond de signes et de sens qui savent refléter l’intelligence de la nature et des objets. Observateur inquiet d’univers familiers, Philippe Jones renoue avec un certain classicisme, exposant sa perception des blancs, des lignes et des traces. Il en résulte une poésie matérielle, prête à l’usage de l’aventure : l’arbre, les oiseaux, le ciel et les trains sont autant d’invitations à la vie. Mais le vécu intime de l’auteur est douloureusement présent aussi, via l’expérience des morts (le père tué à la guerre, le petit-fils fauché par un chauffard). Nourri des « mots nécessaires », Philippe Jones est un lyrique heureux qui ne tourne jamais le dos à la pensée, cette autre réalité. Il chante et va de l’avant, mais son chant connaît sa mesure et son chemin son itinéraire.

Quentin Louis


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°178 (2013)