Lemonnier, un siècle après sa mort
Camille LEMONNIER, Thérèse Monique, Espace Nord, 2013
Il y a cent ans, disparaissait Camille Lemonnier, auteur à la bibliographie ambitieuse. La collection Espace Nord a l’excellente idée de rééditer un roman méconnu du grand écrivain, que lui-même qualifiait d’œuvre de jeunesse, Thérèse Monique. Pourtant, ce roman parut en 1882, après une œuvre autrement plus célèbre de Lemonnier, Un mâle, sorti l’année précédente.
S’il évoque une œuvre de jeunesse en évoquant Thérèse Monique, c’est parce que le livre tient du roman d’initiation, mettant en scène un étudiant en droit pris entre deux passions diamétralement opposées. Celle pour Nini Lamourette, comédienne courtisane, de mœurs légères, intrigante, obsédée par la recherche d’un soutien financier. Et celle pour Thérèse Monique, discrète, soucieuse des autres, célibataire mise au ban de la société pour sa fréquentation d’un jeune Allemand qui l’a abandonnée.
Outre cette dualité assez classique, Lemonnier oppose également la vie dissolue des artistes à Bruxelles, la petite bourgeoisie à l’existence morne de Bruxelles et la vie sans relief, inscrite dans le cours des saisons, de la campagne namuroise. Trois univers qu’il décrit de manière naturaliste, à la manière de Zola auquel on l’a souvent comparé.
Dans la postface, Paul Aron expose avec brio comment cette éducation sentimentale, à la fois roman naturaliste, roman de la grisette et roman célibataire tel qu’en proposa la fin du 19e siècle, marque une transition entre le réalisme si particulier de Zola à travers Nana et Thérèse Raquin et le symbolisme de Rodenbach dans Bruges-la-Morte.
On lira cette œuvre de notre histoire littéraire avec intérêt, mais aussi avec passion pour qui aime une écriture qui permet de retrouver un français châtié, aux formes originales, marquées par la patine savoureuse du temps.
Michel Torrekens
Article paru dans Le Carnet et les Instants n°178 (2013)