Philippe Jones et Philippe Roberts-Jones étaient inséparables. Ils naquirent la même année et aussi le même jour, dans le même lieu, mêmement belges, malgré le nom, et francophones. Le premier, car ce fut lui qui publia d’abord, était poète et prosateur, l’autre prosateur et historien de l’art. Ils avaient en commun le gout de l’image, tant pour la créer que pour la contempler. Le second suivit un cursus honorum satisfaisant qui le mena de l’inspection des bibliothèques publiques au secrétariat perpétuel de l’Académie royale de Belgique, avec une étape majeure, pendant un quart de siècle, de conservateur en chef des Musées royaux des Beaux-Arts à Bruxelles, ce qui lui permit de rénover et de reconstruire l’ensemble des bâtiments. L’enseignement le maintint parallèlement en contact avec la jeunesse, professeur à l’Université libre de Bruxelles, il y créa la chaire d’histoire de l’art contemporain. Cette double charge devait l’amener à écrire des essais, de Bruegel à Magritte, et de la caricature à la peinture irréaliste ou abstraite. Ces activités freinèrent peut-être, mais enrichirent certainement, sa production d’écrivain. La nécessité poétique de Philippe Jones s’éveilla dans le fracas de la seconde guerre mondiale et la mort héroïque du père. À travers l’ombre et la résistance, ce fut la voix de Supervielle qu’il stimula le désir de l’expression. Du premier recueil en 1947 à la première anthologie, préfacée par René Char en 1967, une personnalité moderne et rigoureuse s’affirma, sanctionnée par le grand prix du rayonnement français (1980) et le grand prix de poésie (1985) de l’Académie française. Philippe Jones et Philippe Roberts-Jones se retrouvèrent ainsi mêlés à des institutions vénérables de France, de Belgique ou d’ailleurs, sans que la routine ne triomphe pour autant, car le premier publie à partir de 1991, des recueils de nouvelles, et le second, en 1997, L’art au présent. À regarder de plus près, on se rendrait compte sans doute qu’ils n’étaient qu’une seule et même personne.
Philippe Jones
Texte publié dans Le Carnet et les Instants n°100 (1997)