Owen ou quand l’étrange improvise…

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Thomas Owen

En décembre, la Ligue d’Improvisation présentera aux Tréteaux de Bruxelles un spectacle inspiré de textes fantastiques de Thomas Owen. Une occasion rêvée pour interroger l’écrivain sur les liens qui unissent visible et indicible.

Un certain don d’improvisation n’est, semble-t-il, pas étranger à vos débuts littéraires.
Il est vrai que dans ma jeunesse, ma sœur, mon frère cadet et moi adorions jouer la comédie. Nous avions même fondé un petit théâtre, le Théâtre Forum, qui se produisait devant la famille. Je m’improvisais également conteur, avec des intrigues inspirées du fantastique paysan. Des histoires de fantômes, de loup-garou, de femme changée en chatte, de personnages à double existence. Certaines d’entre elles ont ensuite resurgi sous ma plume.

Cependant, vous n’avez pas écrit pour la scène…
J’en ai toujours eu envie. Si je ne l’ai jamais fait, c’est qu’au fil des ans, je me suis rendu compte que l’écriture scénique impliquait une imprégnation, une participation effective et suivie au monde du théâtre. Un spectacle antérieur, monté par le Théâtre national à partir de textes de Jean Ray et de moi-même, avait toutefois attiré mon attention sur l’adéquation de mes récits au dispositif scénique. Mais sans doute ai-je pâti de la règle des trois unités, telle qu’on me l’avait enseignée. Je pensais que ces contraintes allaient brider ma fantaisie, m’empêcher d’introduire des idées insolites dans un cadre rigide. Bien entendu, le théâtre actuel a balayé tout cela.

Or n’y a-t-il pas convergence entre la narration fantastique, telle que vous la pratiquez, et les mécanismes du théâtre ? Une manière de rendre plausible l’impossible ?
Il est vrai que le théâtre vous fait entrer de plain-pied dans le quotidien. Puis surviennent des personnages, des événements, qui dans certains, cas, peuvent corrompre ce quotidien. Dans le cas du fantastique, une progression analogue joue inévitablement.

Davantage même, ne peut-on voir un cousinage entre des entités de vos récits – La boule noire, qui phagocyte son personnage principal, ou Le tétrastome, ce monstre doté de quatre bouches – , et le théâtre dit de l’absurde ?
Peut-être… Il est sûr en tout cas que mon recueil Le tétrastome, dont les énigmes sont reliées entre elles par les manifestations d’une entité indécise et constamment changeante, à la symbolique multiple, pourrait faire l’objet de tout un spectacle.

Par ailleurs, le choix des textes tels que Les guetteuses ou C’est Dieu qui m’envoie se justifie pleinement dans la perspective d’une performance.
Oui, ce sont des récits fluides, faits d’une succession de scènes à quelques personnages, et presque sans décor. Les acteurs ont alors toute liberté en matière de dialogues, sauf à utiliser telle ou telle phrase récurrente. Je vous dirai cependant que l’idée initiale du spectacle est née du hasard, à l’occasion d’une rencontre avec des membres de la Ligue d’Impro lors de la dernière Foire du livre. Puis le projet a pris corps, et je considère que les synopsis élaborés à partir de mes textes, tels qu’ils m’ont été soumis, sont parfaitement conçus. En somme, et pour paraphraser Borges, l’inattendu est toujours un rendez-vous…

Alain Dartevelle


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°80 (1993)

 

Co-produit par la Ligue d’Improvisation et le Centre culturel du Botanique, le spectacle Owen se tiendra aux Tréteaux de Bruxelles du 7 au 19 décembre 1993.