Traces n°18

L’homme par qui Simenon arriva…

Traces, n°18, Travaux du Centre d’Etudes Georges Simenon, Université de Liège, 2009

tracesBientôt quatre ans qu’on avait perdu Traces ! De par le vaste monde, les simenoniens de tous pays avaient fini par s’inquiéter, d’aucuns trompant leur impatience en dévorant les indispensables et passionnants Cahiers Simenon, publiés par « Les Amis de Georges Simenon » et gratifiés, eux, d’une parution annuelle à la régularité proprement helvétique.

Et puis le dix-huitième Traces a paru, et la revue universitaire liégeoise, qui publie depuis 1989 les travaux du Centre d’Etudes Georges Simenon, a aussitôt retrouvé ses lecteurs aussi fidèles qu’affamés pour leur offrir une livraison des plus substantielles… En effet, l’essentiel du numéro est consacré à la correspondance que Simenon a entretenue avec le professeur Maurice Piron, d’avril 1972 à juin 1985.

Les simenoniens de la Cité ardente savent ce qu’ils doivent au professeur Piron. Si l’Université de Liège a aujourd’hui le privilège d’être la gardienne du temple que représentent les archives littéraires du plus célèbre des Liégeois du XXe siècle, c’est bien grâce à ce « Wallon wallonnant de Wallonie », comme Piron aimait à se définir.

Laurent Demoulin, l’actuel conservateur du Fonds Simenon, a établi et annoté cet ensemble épistolaire riche d’une centaine de documents. Alliant sensibilité et rigueur, il nous les présente avec beaucoup de pertinence, non sans souligner l’intérêt pluriel de cette correspondance. N’est-elle pas à la fois la chronique historique du Centre d’Etudes et du Fonds Simenon, puisqu’elle en révèle la genèse, et une mise en lumière inédite de l’intimité du vieux romancier retraité ? Mais c’est encore l’histoire d’une affection grandissante entre deux hommes mûrs qui, pourtant fort pudiques, « ne peuvent s’empêcher de se déclarer leur amitié respective » (en y associant de plus en plus souvent leurs compagnes). Et Laurent Demoulin de poursuivre, citant les deux épistoliers… « Le 14 août 1980, Simenon va jusqu’à écrire : « vous êtes devenus nos meilleurs amis » et Piron, le 28 novembre 1984, avoue : « grâce à vous, j’aurai connu quelques-unes des plus belles années de ma vie. »

Signalons encore à l’attention des curieux, parmi d’autres brèves contributions qui clôturent ce numéro essentiellement « épistolaire », un intéressant article de Philippe Proost intitulé Simenon et Luc Lafnet. On sait le rôle important joué par le peintre dans les années liégeoises puis parisiennes du « petit Sim » ; on connaît moins son parcours d’ « artiste maudit », aux détours parfois étonnants. Ainsi, qui se souvient du Lafnet bédéiste, collaborant à Spirou en 1938 pour y remplacer Rob-Vel ?

Christian Libens


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°163 (2010)