Bénédicte LAPEYRE, La Repasseuse, Paris, 2016, Ed. Albin Michel, 230 p., 17,90 €/ePub : 12.99 € ISBN : 9782226328632
À l’image de la peinture de Konstantin Yegorovich Makovsky, datant de 1900, qui illustre la couverture, le style du roman La Repasseuse de Bénédicte Lapeyre ne brille pas par une grande modernité, même si le portrait proposé nous rend cette femme attachante.
Au cours de notre lecture, nous avons été peu surpris par ce qui advient à Mone, diminutif de Simone, une fois connus les principes qui vont dicter sa conduite de vie : tendresse et dévouement pour sa sœur handicapée et sa mère vieillissante qui les a élevées seule ; goût pour le travail bien fait et le service à la clientèle ; abnégation de ses propres désirs et renoncement à sa vie de jeune femme ; sens de la mesure et d’une certaine discrétion ; dignité à laquelle sa mère opposait la fierté… Autant de valeurs qui, combinées au décès subit d’un potentiel mari, la mènent à une destinée de célibataire non pas endurcie mais adoucie par une bienveillance constante et éblouie même par un amour de dernière minute. Une fois cela posé, on en viendrait à espérer que cette repasseuse bien sous tous rapports ait récolté quelques échardes au cours de son existence. L’absence d’un père, le handicap de la sœur, le décès du fiancé, le dédain d’une amie d’enfance, la traversée de deux guerres ne la bouleversent pas outre mesure. Elle semble vouée à son métier, éminemment féminin, qui lui ouvre l’intimité des habitants de Senlis, la ville où elle passera l’essentiel de son existence, car « si les gens parlent, le linge aussi ». Dimension de la profession sur laquelle l’auteure revient de manière assez répétitive.
Née en 1900, Mone, branchée en continu sur les actualités diffusées par la radio, nous invite par ailleurs à une traversée du 20e siècle et de ses soubresauts. Elle assiste aux évolutions du monde : les années folles, la crise des années ’30, le goût pour la mode à travers Coco Chanel, Christian Dior et Cristóbal Balenciaga, la magie du cinéma… Avec la montée de la bourgeoisie et le déclin de l’aristocratie, l’apparition de nouvelles matières textiles et les progrès techniques, Mone est aussi au cœur d’un monde et d’une profession voués à disparaître. Mais : « Les années passaient, la vie lui semblait légère. » Rien ne semble l’atteindre, comme si elle était dotée d’une sagesse inaltérable. De sorte que ce personnage original devient la preuve que, oui, on peut être repasseuse et heureuse.
Michel Torrekens