Petites sorcelleries urbaines

Tiffanie VANDE GHINSTE, Dryades, La Boîte à Bulles, 2018, 88 p., 16 €, ISBN : 9782849533079

Yasha travaille dans une librairie bruxelloise. Entre son patron qui se mêle un peu trop de ses affaires et son coloc qui n’est jamais là, elle déprime.

Semblant tout droit sortie d’un conte de fées, Rubica débarque à Bruxelles avec son sac-à-dos, fuyant l’ogre qui l’enfermait dans une relation étouffante.

Quand les deux jeunes femmes se rencontrent, leur amitié est aussi évidente qu’immédiate. Elles s’aperçoivent rapidement qu’une étrange alchimie les lie : lorsqu’elles sont ensemble, de curieux phénomènes se produisent. Ce sont d’abord les dessins de Yasha qui semblent prendre vie. Elles en recouvrent les murs gris de la capitale, qui s’en trouve égayée. Ce sont ensuite des pouvoirs de guérisons qui semblent émaner des mains de Rudica, qui soigne chevilles foulées et lumbagos. Et puis elles ressuscitent des plantes mortes qui sont soudain prises d’une croissance accélérée.

D’un point de vue formel, leurs petites magies viennent animer les cases de l’album : alors que les illustrations sont en noir et blanc, ou plutôt en nuances de gris très douces et vaporeuses travaillées au crayon, la couleur surgit dans l’image lorsqu’il est question d’enchantements : le vert des plantes, le rouge des illustrations appuient l’aspect merveilleux de cette bande dessinée qui mêle réalisme et éléments magiques.

Née en 1988, l’autrice de Dryades, Tiffanie Vande Ghinste a étudié la bande dessinée à Saint-Luc à Bruxelles et travaille en librairie. Dans ce premier livre, elle emprunte aux contes de fées, mais aussi à la mythologie : les dryades sont des nymphes protectrices des forêts. L’autrice les transpose dans un milieu urbain contemporain pour interroger notre époque, son rapport à la nature, à la beauté, mais aussi à ceux qui sortent du rang. Au final, les deux héroïnes sont accusées de sorcellerie par une population qui leur devient hostile. C’est que la magie, mais aussi l’indépendance, font peur autant qu’elles fascinent.

Enfin, Dryades raconte la rencontre, l’amitié et tout ce qu’elle peut faire naître en termes d’énergie créatrice. Un premier livre réussi pour une jeune autrice que l’on devine idéaliste et prometteuse.

Fanny Deschamps