« Ode à l’amour, la souffrance et la mort »

Jasmine NGUYEN, Po’aime-moi, Bleu d’encre, 2019, 52 p., 12 €, ISBN : 78-2-930725-27-7

La poésie joue un rôle ultime dans la vie des auteurs ; sans doute aussi des lecteurs. S’il existe cent mille raisons de prendre la plume et d’écrire des poèmes, il en est une majeure où toutes peut-être se rejoignent : transcender la langue et par ce chemin, sublimer la réalité. Or celle-ci est sans mesure pour Jasmine Nguyen. Médecin spécialisée dans les cancers du sang, auteure ici d’un premier recueil, elle a manifestement acquis une conscience précise de ce que l’écriture et la poésie apportent à sa vie. Un exutoire et une libération.

Tu blanchis… ô ma vieille
Et doucement tu te meurs

C’est bien sûr banal de le dire. Ce rôle est premier… primitif. On pourrait même établir que c’est en poésie que se boucle la boucle des mots. Écrire un poème est la prime forme d’écriture pour tout adolescent qui déborde de soi et le genre absolu pour tout auteur ayant été jusqu’au bout de tous les autres. La poésie me semble sans parallèle, à la fois le pied à l’étrier et la destination du voyage littéraire.

Le soleil plane
La mer danse
La terre vit
Le ciel caresse

La naissance et la mort, telles sont assurément l’eau et la cendre de la poésie, de la poévie entend-t-on parfois. C’est si joliment juste et simplement dit. Comme les Po’aime-moi de Jasmine Nguyen où l’on entend battre son cœur de petite fille entre ses mains d’adulte. La poésie a ce pouvoir de faire fi de toutes dimensions : à commencer par soi, de tout temps, en tout espace, délivrant de toutes les circonstances. A fortiori pour cette auteure d’origine vietnamienne et qui vit en Wallonie, qui fusionne deux cultures et accède ainsi à plus d’universalité.

La vie est un enfer de plaisir
Desmondo… Que dis-je… De délire

Jasmine Nguyen est là-bas, ici, hier, maintenant, une seule et même personne, « scientifique au-dehors, artiste au-dedans », habitée en son recueil d’une vibration unique et continue entre amour, souffrance et mort : Les trois grands thèmes qui me poursuivent depuis l’enfance et qui sont devenus ceux de mon travail au quotidien. Je peux le dédier à tous mes patients que j’ai suivis dans leur maladie, que ce soit dans la guérison ou dans la mort, m’explique-t-elle, si pudique et sincère, lors d’un échange de courriels.

Araignée, ma jolie araignée
Permets-moi de te rejoindre
Au royaume des mille éternités
Et d’amnésie n’oublie pas de m’oindre !

Tito Dupret