Déambulations poétiques

L’AMI TERRIEN, Les réflexions fantômes, Arbre à paroles, 2021, 240 p., 17 €, ISBN : 978-2-87406-709-9

l'ami terrien les réflexions fantômes« Est-ce un recueil ? Un essai ? Un manifeste ? Un manuel de poésie orale ? Une tentative de donner la poésie à entendre ? Le partage d’une passion ? Des pistes pour écrire ? Un splatchwork ! » La quatrième de couverture du recueil Les réflexions fantômes de l’Ami Terrien (aux éditions L’Arbre à paroles) ne trompait effectivement pas. Toute tentative de circonscrire cet ouvrage dans un « genre » bien défini est vouée à l’échec.

Issu des scènes du slam en Belgique, l’Ami Terrien livre ici un recueil hybride, émaillé de poèmes et de réflexions théoriques ou sensibles (les unes n’excluant jamais les autres, quoi que les adeptes des clivages en disent) sur la poésie. « Étrange, bousculant, et même, sans doute, révolutionnaire » sont les adjectifs que Dominique Massaut appose sur le travail de l’Ami Terrien dans la préface à ce recueil. C’est vrai : nous ne savons pas très bien comment prendre ce livre. Comme il vient, certainement.

On nous demande l’impossible, alors on rafistole des bouts de possibles puis on s’en retourne à nos miracles quotidiens. 

Ici, donc, un poème. Là, un slogan. Plus loin, une réflexion théorique. Là encore, une analyse poétique. Ici encore, une invitation à entendre la dimension sonore de la poésie. Plus loin, une proposition à une scansion orale. Là, une explication sur telle ou telle figure poétique. Grand « splatchwork », oui ! Why not ?

La prédominance est donnée, dans ce livre, à la dimension orale de la poésie, à cette déambulation dans les sons et dans l’ouïe. Ce faisant, l’Ami Terrien (auteur notamment du recueil Micromégaphon publié aux éditions maelstrÖm) invite son lecteur à regarder joyeusement et autrement le monde – à prêter l’oreille et solliciter la cochlée. Bien qu’il se présente à première vue comme un grand carnet de réflexions personnelles, cet ouvrage deviendra certainement un livre de référence pour quiconque souhaitera se rendre sensible notamment au travail des slameurs et slameuses.

Les poètes sont des souffleurs de vers
aux travers desquels on regarde
le monde
différemment.
 

Livre épars, déployé sur plus de deux cent pages, sans véritable fil rouge si ce n’est la dimension « fantomatique » évoquée dans le titre : « À l’oral, les figures fantômes sont des figures par lesquelles les sens non-pertinents de certains sons acquièrent une pertinence par les relations qu’ils entretiennent entre eux, indépendamment ou pas du sens du texte lui-même. » Que l’on se le tienne pour « dit ».

Charline Lambert