Marie-Clotilde ROOSE, En minuscules, Taillis Pré, 2023, 72 p., 14 €, ISBN : 978-2-87450-205-7
On ne dira jamais assez combien la poésie de langue française trouve un accueil idéal sous les couvertures multiples de l’édition belge, dont Le Taillis Pré est une des enseignes les plus stimulantes. Son catalogue dont un extrait figure en fin de chaque volume constitue en soi une anthologie éclatante, dans laquelle Marie-Clotilde Roose fut accueillie déjà en 2005 par Yves Namur, l’initiateur et animateur de cette maison d’édition.
Une fois franchi le seuil du bouleversant frontispice d’Annette Masquilier, où une figure agenouillée dresse le buste dans un élancement de supplication, le nouveau recueil En minuscules s’ouvre par un préambule, daté de la Pentecôte 2021, indiquant la genèse de son écriture. On ne sera pas étonné d’y trouver la circonstance de ce retour à l’écriture auquel aspirait la poétesse, avant l’épreuve de mourir. La pandémie, la menace tellurique qu’elle drainait, le confinement et la vacance qu’elle offrait ont constitué l’occasion de composer ces poèmes murmurés dans le for intérieur, survenus par besoin de fixer « le plus important » sous une forme partageable, une offrande. Une spiritualité intense nourrit l’écriture de ces textes, ces oraisons où, volontairement les majuscules sont délaissées, pour signifier l’intensité de l’intime. Lucien Noulez qui signe la postface du recueil met justement en évidence le fait spirituel (…) à la source qui peut irriguer tous les humains, quelles que soient leurs appartenances.
Au fil de ces poèmes, l’écriture fait entendre sa voix (j’arrache à l’ombre un peu de soleil), ouvre l’âme comme on ouvre un cahier pour y écrire sous sa dictée : dans ce cahier j’écris à l’envers / je remonte le temps, la lumière / pour me souvenir de toi / pour entretenir ton nom.) Le poème-prière est traversé par la faiblesse et l’effleurement, d’une force invisible autant que d’un souffle allègre : mon navire est bateau nu / ivre de danser sur rien. C’est à une quête que nous invitent ces pages qu’on redécouvre en les murmurant comme nous y étions invités : happé par l’océan sans nom / tu es visage s’effaçant / et revenant par ma mémoire. La supplication s’élève vers le divin par cette grâce inattendue de rester soi : telle que je suis, en l’instant où je suis / jamais aussi parfaitement moi-même / que dans ton cercle de lumière, offert. Les circonstances de la composition du recueil, marquée par le confinement, l’enfermement hors du monde, le vide social ont nourri l’inspiration de Marie-Clotilde Roose, laissant l’esprit et l’écriture aller au rythme régulier du cœur. La beauté se suffit de ce qui, si simple, serait passé inaperçu, si fugace, serait resté invisible : des flots de lumière glissent / la fragrance des grappes de glycine / un ballet d’abeilles et d’insectes / quelques chants d’oiseaux pour toute musique. Comme autant de balises, les poèmes illuminent les quêtes de l’absolu, l’amour sensuel, la vie, les racines, l’arbre flamboyant, l’être aimé. Il y a au cœur de chaque texte en minuscules ce souffle enveloppant de la grâce dont chacun dira la nature dans le secret de son âme. Le dernier vers en est sans doute la clé : je deviens.
Jean Jauniaux