Les échappées belles et poétiques de François Emmanuel
François EMMANUEL, Avant le passage, Actes Sud, coll. « un endroit où aller », 2013
Depuis ses prémisses, l’œuvre de François Emmanuel se déploie essentiellement entre deux genres, le roman et la poésie (on notera le théâtre, en sus). Les deux livres que l’écrivain a publiés en cette année 2013 sur le thème, pour le dire schématiquement, du passage dans l’au-delà, de la mémoire et de la disparition brouillent plus qu’ils ne confirment cette répartition. Au printemps, a paru Les Murmurantes, un recueil de trois nouvelles (cfr Le Carnet et les Instants n°176) où le récit naît d’une situation initiale, un récit que la poésie vient nimber, comme un soleil couchant nimbe le paysage de sa déréliction.
Avant le passage, sorti cet automne, inverse le rapport, la narration faisant une incursion dans la prose poétique. Elle précise certains contours de la vie d’un homme qui se meurt dans une chambre blanche d’hôpital, entouré des siens. Mais l’événement/l’avènement du texte est ailleurs. Un texte que l’écrivain lui-même qualifie de « rêveries ». Un texte qui nous fait flotter entre réalité et échappées belles, inquiètes, mélancoliques. Des échappées initiées parfois par un mot, parfois par une phrase qui en appelle un autre, une autre, qui provoque une image, des souvenirs, des sensations, des fulgurances, des éclairs, ouvre vers d’autres lieux et d’autres horizons. Qui met à jour les failles et les béances, les ombres et la lumière de la vie du « narrateur ». Sont ainsi invoquées les femmes qu’il a aimées, toutes de façon singulière, les vivantes et les mortes, les épousées, les enfantées, les cousines, les aïeules… Le fils, lui, sera l’éternel absent, les ponts ont été coupés, le silence s’est installé, les mots pour le dire ne sont pas de l’ordre du poétique. La poésie serait-elle définitivement du côté du féminin pour François Emmanuel ? La question est à creuser.
Michel Zumkir
Article paru dans Le Carnet et les Instants n°179 (2013)