Du vent dans les pages : entretien avec Xavier Hanotte

Xavier Hanotte

Xavier Hanotte

Cela faisait six ans que l’on attendait la parution d’un nouveau roman de Xavier Hanotte. Des feux fragiles dans la nuit qui vient se détachait alors par rapport aux textes antérieurs. L’auteur considérait d’ailleurs qu’il constituait l’aboutissement d’un cycle.

Aujourd’hui, Du vent apparaît comme un roman tout à fait neuf et original, tant dans le propos que par la manière. Il s’agit en outre d’un roman à surprises. D’abord parce qu’il peut dérouter le lecteur familier de l’univers littéraire de l’auteur ; ensuite parce que le récit ménage divers effets narratifs. Il n’est donc pas simple d’en parler sans les éventer.

Il s’agit en fait d’au moins trois romans en un. L’histoire commence par ce qui paraît être un thriller d’espionnage louchant vers… le bondage. Le second niveau raconte pourquoi et comment Jérôme Walque s’est retrouvé embarqué, bon gré mal gré, dans cette entreprise narrative incongrue pour lui. Le troisième niveau donne à lire l’autre roman qu’écrit Jérôme, une fiction historique située en 37 avant J.-C. dans l’Empire romain, mettant en scène les protagonistes du Second triumvirat : Antoine, Octave et Lépide. C’est à ce dernier personnage, largement négligé par les historiens, que s’attache Jérôme Walque – et donc Xavier Hanotte. Les trois plans narratifs, soit 1° le thriller mettant en scène le lieutenant Bénédicte Gardier, 2° celui qui suit les tribulations éditoriales et autres de Jérôme Walque et 3° le récit antique ont chacun pour titre… Du vent. La geste lépidienne constitue par ailleurs une histoire autonome qui pourrait être lue indépendamment du reste du livre. Un avertissement convie les lecteurs passionnés par l’Antiquité et « férus de cartésianisme » à ne lire que ces chapitres, que l’italique distingue. C’est aussi la part du livre qui, à une petite exception près, va logiquement à son terme et ne déroge pas à un certain réalisme.

Pour les deux autres composantes, une évidente tendance des deux romanciers, Walque comme Hanotte, à estomper les frontières de la réalité fictionnelle laisse la conclusion ouverte, pleine d’interrogations et de suggestions propres à ravir les esprits les moins formatés.

Hanotte du vent

Pourquoi ce délai plus long que d’habitude entre la parution de Des feux fragiles dans la nuit qui vient et Du vent ?

Une première raison est d’ordre physique. J’ai connu des ennuis de santé qui ne me permettaient pas de me concentrer comme j’en ai l’habitude sur l’écriture d’un roman. Mais il y avait aussi des raisons liées à la création. Avec Des feux fragiles, j’étais arrivé au bout d’un cycle. Ce livre, j’y avais pensé avant même d’écrire Manière noire. C’était en quelque sorte mon premier roman à retardement, advenu après tous ceux qu’il avait inspirés. Et donc, après Des feux fragiles, je me suis posé la question, plus dans le subconscient que rationnellement, s’il ne fallait pas songer à renouveler ma manière d’écrire. Tout en me disant que je le ferais uniquement si j’en ressentais le besoin. Aucune angoisse là-dedans, mais une interrogation sans doute classique : est-ce que j’ai encore quelque chose à dire et comment ? Mes problèmes de santé s’y sont ajoutés. Pour cette raison, relancer la mécanique s’est avéré plutôt compliqué.

Après Des feux fragiles, j’avais d’ailleurs embrayé sur autre chose. Un petit roman qui reprenait Barthélemy Dussert et Trientje là où je les avais laissés à la fin du Couteau de Jenufa. Le titre provisoire était – et est toujours – Un parfum de braise. Quelques pages existent et je compte bien m’y remettre, car Du vent est bouclé depuis octobre 2015 et l’envie est là.

Qu’est-ce qui a déclenché la rédaction de Du vent ?

Je m’en suis rendu compte a posteriori. Au départ, il y a un minuscule passage que l’on trouve dans De secrètes injustices. Le commissaire Delcominette y relate à ses inspecteurs l’évasion du truand italien Donato. Ce dernier a emprunté l’uniforme d’une infirmière qu’il a ligotée avec de la bande Velpeau. L’inspecteur Marlaire, avec son humour un peu gras et macho, suggère alors de revendre les photos à une revue de bondage pour la caisse des anniversaires. Et bien entendu, Trientje ne sait pas de quoi il s’agit. Bon, soyons clairs, le bondage ne me fascine pas spécialement. Mais puisqu’il existe, quelle histoire raconte-t-il ? Aucune, puisqu’il neutralise tout ! C’était donc un défi de narration. Si le personnage ligoté est immobile, l’intrigue aussi ! Si Bénédicte Gardier ne peut pas bouger, comment faire évoluer son histoire ? Donc, puisque j’aime les paradoxes, je me suis amusé à introduire une dimension de suspense dans une situation qui, a priori, ne l’autorisait pas. Je me disais aussi qu’il fallait introduire une touche d’humour, utiliser la qualité parodique du bondage tel qu’on en voyait dans presque tous les films d’espionnage des années 60. Je me souviens qu’alors j’avais du mal à y croire – comme Jérôme Walque ! – tant les nœuds de cinéma semblaient aussi lâches que les scénarios… Bref, comment tirer tout ce qu’il y avait à tirer d’une situation par définition assez pauvre ? Autre aspect encore : je voulais écrire en proscrivant toute vulgarité alors que le sujet semblait plutôt trivial. Encore un défi amusant. Et puis, on m’a tellement répété qu’il n’y avait jamais de sexe dans mes bouquins… Eh bien, il n’y en a pas davantage dans Du vent… malgré son sujet !

Mais le livre comporte également le roman sur Lépide. D’où vous est venue cette idée de lui consacrer un texte ?

Il s’agit d’une idée très ancienne. Adolescent, j’étais fasciné par certain théâtre, celui de Giraudoux – La Guerre de Troie n’aura pas lieu –, de Camus – Caligula – ou de Montherlant – La Guerre civile. L’envie est alors née d’investir moi-même l’Histoire et de lui faire dire quelque chose qui me soit personnel. Et Lépide m’intéressait de longue date, parce que c’est un personnage très méconnu. Ceux qui s’intéressent à l’histoire romaine et au Second triumvirat retiennent Octave et Antoine. Ils oublient Lépide, ou se contentent de très peu. Voire divaguent. Dernièrement, j’ai lu une BD très sérieuse où, parce que Lépide était magister equitum, soit le lieutenant de César, le dictator en place – c’est juste un titre –, on le voit arriver… à la tête de la cavalerie ! À mourir de rire ! Mais bref, je voulais rendre justice à un personnage que je puisse aussi, au même moment, « remplir ». Du coup, puisqu’il écrit les deux récits en simultanéité – celui de Bénédicte Gardier et celui de Lépide –, Jérôme Walque doit jongler avec des registres différents, voire opposés. Jusqu’à découvrir, par moments, que les extrêmes peuvent se rejoindre…

Quelle image voulez-vous donner du personnage de Lépide ? Pour lui, tout semble tourner autour de la question du pouvoir et de sa place dans le triumvirat.

Lépide est un homme de bonne volonté, il cherche le mythique « juste milieu ». Ce personnage tend aussi à une certaine intégrité morale, tout en connaissant ses faiblesses. La noblesse de sa famille l’obsède. Elle peut faire de lui un être parfois méprisant, mais elle lui impose aussi de se montrer « à la hauteur ». Pour Lépide, Antoine n’est qu’un vulgaire parvenu. Quant à Octave, le futur Auguste, Lépide n’oublie jamais que son vrai père était un usurier de province. Autrement dit, Lépide n’est en rien un personnage idéal, mais un homme qui veut bien faire et possède un sens inné de la chose publique. C’est aussi, avant tout, un homme de modération. Si la République ne fonctionne plus, il estime qu’elle ne doit pas pour autant disparaître. Il va donc tenter de concilier Antoine et Octave qui, chacun à leur manière, représentent une facette de la Rome qui se prépare, où le pouvoir ne va pas sans violence. Mon Lépide combine donc vanité et responsabilité. Il croit en la parole et, surtout, en l’intelligence. En quoi il est un homme du passé, que la violence va emporter. Car voilà un général dénué de goût pour la guerre et les armes… dont tous les succès reposent sur son art de la négociation. En corollaire, il revendique un certain goût pour l’ombre, parce qu’il a le sentiment fort de n’être que le maillon d’une chaîne. Lépide se veut un des Æmilii – il y en avait avant lui, il y en aura après. Au pouvoir politique, il finira par préférer la responsabilité de Grand Pontife. Ce qui facilitera son départ du pouvoir, qu’il abandonne peut-être davantage qu’Octave ne le lui prend. En tout cas, il ne veut et ne peut entrer sans peine dans une logique de confrontation avec ses adversaires. Cela finit par caractériser son rapport problématique avec le pouvoir qu’il exerce. Quand Octave le brave en venant haranguer ses propres légions, Lépide pourrait intervenir mais il ne se montre pas et refuse de faire couler le sang. Au lieu de cela, il sort du jeu. À la fin de leur entrevue, quand Octave se vante de lui avoir retiré le pouvoir, Lépide affirme : « Le pouvoir, Octave, c’est du vent ! » Ce à quoi le futur empereur répond : « Le vent, Lépide, souffle où il veut. »

L’auteur et sa fiction

Il y a aussi le roman qui raconte comment Jérôme Walque écrit le récit qui met en scène Bénédicte Gardier.

L’ambition de Jérôme Walque est d’abord et avant tout d’écrire un roman sur Lépide. Mais entre-temps, il se voit obligé d’écrire ce roman louchant vers le bondage, pour dépanner Jérémie, son ami qui est lui aussi écrivain. Il écrit donc deux chapitres et croit qu’il pourra s’arrêter là et passer le témoin à Jérémie. Du coup, il ne s’investit pas dans ce texte, l’écrit presque en esthète curieux. Par douce vengeance, il met même le personnage de Bénédicte dans une situation… inextricable. Mais voilà que, de façon parfaitement inattendue, il est appelé à continuer la rédaction et… doit trouver une issue au problème qu’il a lui-même créé. À tous les niveaux et sur tous les registres, la question de la responsabilité constitue un des enjeux du livre : celle du pouvoir pour Lépide et celle de l’écriture créatrice pour Jérôme. Le contraste se marque d’autant plus que Jérôme doit mener de front deux types d’écritures très différentes.

C’est pourtant à ce moment que le roman sur Lépide se débloque alors que Jérôme le traîne depuis dix ans.

Si Jérôme est calé, il peut se le permettre puisqu’il ne se veut pas écrivain professionnel. Et c’est en écrivant sur commande une histoire qu’il ne voulait pas écrire, mais qui finit par l’intriguer et le titiller – soit celle de Bénédicte Gardier ficelée dans sa chambre d’hôtel –, qu’il retrouve la verve nécessaire pour rédiger enfin son roman lépidien. Vertu du contraste ? Ça semble s’être vérifié dans mon cas, curieusement. Cela faisait des années que je pensais à Lépide. Quand j’ai commencé Du vent, j’hésitais sur le choix du contrepoids « noble » au récit « trivial ». J’avais pensé au poète Keith Douglas, à sa mort un peu idiote à côté de son tank, au coin d’une haie normande. Puis Lépide s’est rappelé à mon bon souvenir et s’est imposé. Keith Douglas, je pense qu’il va intéresser Barthélemy Dussert, peut-être dans Un parfum de braise

Le livre commence par un avertissement autorisant, s’il le désire, le lecteur latinisant à ne lire que les chapitres consacrés à Lépide, de même pour les lecteurs férus de cartésianisme. Ce qui laisse supposer que l’histoire de Bénédicte Gardier et celle du roman en train de s’écrire dérogent au cartésianisme ?

Sans doute ! À tel point d’ailleurs que l’auteur est obligé d’intervenir dans sa propre fiction. On y voit s’agiter des personnages très particuliers, le duo d’éditeurs diaboliques, Blaise et Butte, et leur parfait contraire, le commissaire Michel, lequel enquête précisément sur les faits délictueux commis par les deux compères. Pour Blaise et Butte, traverser la frontière entre le Bien et le Mal, c’est banal. Mais ils vont plus loin : ils franchissent « la frontière qui forme la ligne de démarcation entre ce qui se peut et ce qui ne se peut pas ». Autrement dit, on dépasse là le seul enjeu de la morale. Dans ce cas de figure, un équilibre essentiel se trouve menacé, et l’étrange commissaire Michel se voit contraint de descendre sur le terrain. Dans son cas – même si ce n’est pas écrit – on peut vraiment parler d’une descente ! La fonction réelle du commissaire n’est pas précisée, mais il en faudrait davantage pour flouer le lecteur tel que je l’imagine ! Le moins qu’on puisse dire, c’est que des pistes sont ouvertes.

Partout où passent Blaise et Butte, les montres s’arrêtent, le temps n’existe pas pour eux, alors que le commissaire Michel aurait tendance, pour sa part, à mettre un peu d’ordre dans le foutoir temporel.

Oui, il n’y a pas plus contraire que ces deux « forces ». D’une certaine façon, la fonction du commissaire Michel consiste à remettre la réalité sur les rails – en utilisant au besoin des moyens qui ne relèvent pas de celle-ci.

Comme dans vos autres romans, le caractère réaliste magique du livre semble davantage concerner le temps.

L’espace aussi ! Par exemple, quelle est cette ville portuaire où se déroule l’histoire de Bénédicte Gardier ? Même imaginaires, les lieux restent précis, réalistes. Ils sont gouvernés par la logique. À sa manière, le monde demeure donc cohérent. Le problème, c’est qu’il peut se révéler double, farci de doubles fonds ! Tandis que, oui, le temps a un sérieux problème. À certain moment, Jérôme Walque bascule à son corps défendant dans sa propre fiction et, du coup, deux temporalités se télescopent selon une logique tout à fait paradoxale. Qui est dans la fiction, qui est dans la réalité ? La question se pose au fil des deux composantes du récit.

Le vent souffle fort et partout dans votre livre.

Oui, le vent est un facteur, souvent trompeur et extérieur, de cohérence. Les marins de Lépide attendent qu’il souffle dans le bon sens. Quand Bénédicte arrive dans la ville portuaire, une tempête en mer se prépare – elle s’éloignera à la fin de l’histoire. Le vent ressemble aussi, par endroit, à un prétexte narratif, voire un genre de McGuffin à la Hitchcock. Mais il revêt peut-être et surtout un sens symbolique. Il sert à mesurer l’exercice du pouvoir et à relativiser la fonction de la littérature, dans une acception à la fois positive et négative. Dans un roman dont un thème important n’est autre que celui de la responsabilité des hommes politiques et des gens de lettres, ce n’est pas innocent.

Les trois fils narratifs autour de Bénédicte Gardier, de Jérôme Walque et de Lépide, sont autant de réflexions sur le rôle de la littérature…

Pour une part. C’est peut-être plus évident pour l’histoire de Bénédicte Gardier et celle de Jérôme Walque, où l’écrivain finit par prendre en pleine poire la fiction qu’il crée un peu étourdiment. Mais le récit lépidien n’y échappe pas lui non plus. Au début, Lépide affirme qu’Octave, en engageant des thuriféraires, fait trop confiance à la littérature. À la fin, il comprend qu’Octave-Auguste ne s’est probablement pas trompé en prenant Virgile sous son aile. En conséquence de quoi, Lépide va s’enfoncer dans l’obscurité, disparaître des mémoires. Mais il l’accepte, comme il reconnaît la puissance de la littérature.

Vous opposez deux types d’écrivains, Jérôme et Jérémie.

Jérôme, faut-il le dire, me ressemble beaucoup. Il était donc très jouissif de me moquer de lui. Jérémie n’a pas forcément tort quand il dit que Jérôme prend la littérature trop au sérieux. Jérémie, lui, se fait l’avocat d’une certaine légèreté. Pour sa part, il entretient une vision de la littérature libérée de toute prétention artistique, prête à consommer, prête à lire. C’est un écrivain à la fois ludique et gentiment mercenaire. Chez lui, écrire relève aussi d’une forme de fuite en avant perpétuelle. Puisqu’il ne se prend pas plus au sérieux que la littérature dont il se sert plutôt que la servir, il garde un côté grand enfant. Ou plutôt sale gamin.

À nouveau, votre roman est construit sur la figure du double.

C’est vrai qu’il y a des doubles partout dans Du vent. Deux et même trois récits qui organisent entre eux de savants jeux de miroirs. Des personnages en relation de double : Jérôme qui est deux fois auteur ; Jérôme et Jérémie, deux figures d’écrivains ; Bénédicte dont Sophie l’espionne usurpe l’identité ; les éditeurs Blaise et Butte, etc. Les lieux aussi : un port à chaque fois. Et puis nombre de petits détails que le lecteur pourra découvrir, quitte à en faire une sorte de jeu.

Dans le récit lépidien, il est question de navigation et d’attente… du vent. Dans les deux autres fils narratifs, vous multipliez les métaphores issues du monde de la navigation : on s’embarque dans des galères, on a peur de laisser partir le bateau, et tant d’autres.

J’aime bien travailler sur les échos. Il faut que le lecteur sente une cohérence, même s’il ne sait pas à quoi elle est due. De même, je sème des indices qui semblent être gratuits ou anecdotiques – quand ils ne sont pas subliminaux – mais annoncent certains aspects de la suite. Si un jour un lecteur attentif relit Du vent, il comprendra que la première phrase – « Mais où diable étaient ses idées ? » – contient déjà une allusion.

Le livre est dédicacé à Hubert Lampo. Pourquoi précisément ce livre-ci ?

Parce que Du vent est celui de mes livres qui traverse les miroirs avec le plus d’allégresse. A posteriori, ça m’a rappelé un petit roman de Hubert, Les empreintes de Brahma. Un journaliste y mène une enquête dans une vieille maison où il casse un vitrail et se retrouve projeté dans la vision d’une autre réalité. Mon livre est bien sûr moins radical. Dans Du vent, les frontières sont « brumeuses » et j’ai donc essayé de soigner les transitions. Ainsi quand Jérôme s’endort dans un train et se retrouve dans la cité portuaire… qu’il a décrite au début de son récit d’espionnage ! Il rencontre le taximan qui a conduit Bénédicte à son hôtel. Mais peut-être imagine-t-il tout ça ?

Vous mettez en épigraphe, entre autres, une phrase de Marcel Brion, extraite de La ville de sable, qui apparaît comme le parfait résumé de votre livre. A-t-elle servi de déclic à la rédaction ?

De déclic, non. Mais je relis régulièrement Brion, dont j’adore les romans, et le parallélisme m’a frappé. « Pas possible, c’est un synopsis de Du vent ! » me suis-je dit. Il m’a paru évident qu’il y avait un genre de filiation. Chez Marcel Brion, comme d’ailleurs chez Éric Faye, la littérature joue avec les frontières.

Vous avez dit que votre roman est un roman de la surprise. En quel sens ?

D’abord pour le lecteur, qui risque d’être surpris et peut-être dérouté dans un premier temps. Certains fidèles vont sans doute se demander si je ne suis pas tombé sur la tête – et tant mieux. Mais peu à peu, une cohérence s’installe dans Du vent. Je ne dis pas une logique – puisque celle-ci est quand même assez malmenée. Le plus surpris du lot est sans doute… Jérôme Walque lui-même, amené à comprendre qu’il entre dans son propre roman – sans doute pas celui qu’il voulait écrire. Mais la surprise vaut pour moi-même également ! J’écris toujours mes romans dans l’ordre de leur lecture. Du coup, je ne savais pas précisément où la grenade de l’intrigue – un téléphone qui sonne dans un bureau parisien vide – serait dégoupillée !

Roman surprise, mais aussi un roman à l’humour omniprésent. Comment lire votre livre ?

Comme vous voulez. Mais en tout cas, j’ai essayé de composer un roman drôle qui ne s’interdit pas une certaine gravité et réfléchit en même temps sur l’art d’écrire.

Joseph Duhamel


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°192 (2016)