Un chassé-croisé bien ficelé

Xavier HANOTTE, Du vent, Belfond, 2016, 19 €/ePub : 12.99 €   ISBN : 978-2-7144-5826-1

hanotte

Enfin, après six ans …, un nouveau roman de Xavier Hanotte !  Même si, depuis Des feux fragiles dans la nuit qui vient, le lecteur a pu se mettre quelques textes sous la dent comme La Nuit d’Ors et Soit dit entre nous… je suis un ours, tous deux au Castor Astral en 2012 ainsi qu’une nouvelle graphique : 1914-1918. Les anges de Mons, publiée en 2013.

Mais pour le coup, cela valait la peine d’attendre – nécessité faisant loi, de toute façon – puisque Xavier Hanotte nous gratifie d’un « Romans » et non, ce n’est pas une coquille. 

Tout commence avec les aventures, qui vont se révéler « croquignolesques »,  de la sémillante lieutenant Bénédicte Gardier mais, …ce n’est pas ce qu’on croit.  Quant à Jérémie Straube proposant son manuscrit à Vincent Blaise des éditions B & B, il n’est pas celui qu’on avait cru deviner…  Et qu’en est-il de Jérôme Walque ?

Les histoires se corsent encore quand l’auteur (mais lequel ?) doit entrer dans sa propre fiction pour en défaire les nœuds.  Et quel rôle joue donc ce curieux commissaire Michel ?

On admirera la performance de l’auteur qui écrit trois romans l’un dans l’autre, dans des styles totalement différents et avec, à chaque fois, une grande justesse de ton. Il emmène le lecteur de Lépide à Sophia Opalka, de la Sicile antique à l’hôtel Moderne, d’une séance de « bondage » soft aux considérations désabusées de deux amis écrivains sur la littérature,  d’une histoire d’espionnage à un coup de force entre candidats au pouvoir suprême.

Curieuse expérience donc, pour le lecteur, que de passer la victoire de Naulocque (35 av. J.-C.) à l’Hôtel Moderne, et de l’hubris à Jérôme Walque.  D’autant qu’un Marcus Aemilius Lepidus peut en cacher un autre !  Même les éditeurs B & B ne sont pas ce que l’on pense… et, avec les histrions B & B de l’Antiquité, la Boucle sera Bouclée.

Le style de Xavier Hanotte est toujours aussi soigné ; jugez-en plutôt : « Ce soir-là, par pure bonté d’âme, le soleil d’automne tiédissait l’atmosphère de la capitale et peignait de ses rayons la transhumance vespérale indifférente à ses largesses. Moins ingrate, la coupole verdâtre du Palais de Justice lui renvoyait l’éclat doré de ses nervures. » Je sais pas vous, comme dirait Patrick Leterme, mais moi, je ne m’en lasse pas.  Avec, en prime,  une touche d’humour qui vient pimenter le tout.

Le lecteur familier du petit monde hanottien  repérera le petit clin d’œil à la première  guerre mondiale, si présente dans le reste de son œuvre : « À chacun de ses voyages, il s’était fait un jeu de repérer, entre Nord et Somme, les taches claires des petits cimetières britanniques semés dans les champs ». Et sera plus (le lecteur ?) ou moins (la lectrice ?) sensible aux effets de toutes ces « jambes gainées de fin nylon », éventuellement noir.

Bref, un livre qui décoiffe !

Marguerite Roman

P.S. : Pour savoir d’où vient le vent, se rendre aux pages 40, 61, 154, 160 et 198.

ci192 Xavier Hanotte parle de Du vent  dans Le Carnet et les Instants n° 192 (octobre-décembre 2016)