Corinne Hoex, Celles d’avant

Entre deux

Corinne HOEX, Celles d’avant, Le Cormier, 2013

hoex celles d avantBien qu’elle soit brève et simple en apparence, la poésie de Corinne Hoex est profondément singulière, ce que confirme encore son dernier recueil Celles d’avant, paru aux éditions Le Cormier.

Divisé en six parties distinctes, « la veilleuse », « les chambres interdites », « les visiteuses », « farces et attrapes », « ton œil vivant » et « les racines nouées », le texte met en scène ce « tu » que les familiers de l’œuvre reconnaîtront (cf. Contre-jour et Juin pour ne citer qu’eux).

Ce personnage ainsi désigné est en proie à des spectres, les figures maternelles que sont les mères et les grands-mères : « elles sont là / tu ouvres / et elles sont là / c’est chez nous / disent-elles / fais attention de ne rien casser / dans chaque placard / derrière chaque porte ». Chaque partie du recueil se présente sous forme de saynètes très imagées, dans une écriture très minimaliste, proche de la prose. Les effets de rhétorique, relativement rares, servent à créer une ambiance générale qui hésite ici entre mystique et fantastique : « elles ne t’accommodent pas / d’une pincée de sel / d’une noisette de beurre frais / d’un fil de vinaigre / tu es un aliment sans goût / une proie ». L’originalité du recueil tient aussi à l’introduction d’un dialogue entre ces figures inquiétantes et le « tu », et à la répétition de certains vers (« c’est nous, disent-elles / c’est nous ») que la disposition graphique met en évidence. La récurrence de certaines thématiques, parmi lesquelles celle du sang (« où le rouge / coule dans le rouge » ; « leur vase de sang / se brise sur le seuil »),  fait de ce recueil un texte peut-être plus sombre, plus hermétique que ceux qu’elle a écrits jusqu’ici, tant en prose qu’en vers.

Décidément, publication après publication, Corinne Hoex excelle à couler un constant renouvellement thématique dans la continuité d’une poétique touchante, transparente et efficace !

Primaëlle Vertenoeil


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°176 (2013)