Le dur métier de parent
Lydia FLEM, Comment je me suis séparée de ma fille et de mon quasi-fils, Seuil, coll. « La Librairie du XXIe siècle », 2009
Dans son dernier livre, Comment je me suis séparée de ma fille et de mon quasi-fils, Lydia Flem entrouvre son quotidien le plus proche pour nous faire partager une expérience commune à tous les parents : le départ de leur enfant.
Sa fille a décidé de vivre un an en Angleterre, expérience somme toute assez banale, mais qui éveille des sentiments divers et de nombreuses interrogations chez Lydia Flem maman. Elle parle de généalogie, de langue maternelle (« Après son lait, elle offre sa langue« ), de transmission, notamment à travers la réparation d’un bouton ou l’évocation de proverbes familiaux. Ce départ imminent réveille en elle des souvenirs d’enfance, une nostalgie (qui se traduit notamment par des débuts de chapitre reprenant des extraits d’Alice aux pays des merveilles), mais aussi des inquiétudes: « Voir son enfant grandir, c’est accepter de changer. Trouver en soi de la souplesse, du tact, de l’humour, de l’humilité. De la patience, beaucoup de patience. Un seul choix, un seul pari : avoir confiance. En eux, en nous. » Au fur et à mesure que s’opèrent tous ces changements, elle se demande si nos enfants peuvent un jour devenir nos amis…
Le charme de ce livre tient aussi à son écriture, simple, proche de la vie familiale, du quotidien et de l’intimité. Lydia Flem, psychanalyste, n’utilise pas le jargon des psychologues pour parler de ces moments forts de nos vies. Il faut ainsi l’entendre parler de son beau-fils, qu’elle préfère nommer son quasi-fils, en insistant sur les liens du regard, qui peuvent être aussi intenses que les liens du sang. Quasi-fils aussi animé du désir de s’installer ailleurs. De sorte que l’auteur parle de ce moment charnière d’une vie où l’on se retrouve, un peu désorienté, entre deux générations : celle de ses propres parents (qu’elle avait décrite dans un livre précédent, Comment j’ai vidé la maison de mes parents), et celle de ses enfants : « Largués par nos parents qui disparaissent et par nos enfants qui quittent la maison, c’est le plus souvent au même moment de la vie que nous sommes confrontés à ces séparations : nos parents meurent, nos enfants grandissent. Coincés entre deux générations, ceux à qui nous devons l’existence, ceux à qui nous l’avons donnée, qui sommes-nous désormais ? Les repères vacillent, les rôles changent. Comment faire de cette double perte une métamorphose intérieure ? »
Michel Torrekens
Article paru dans Le Carnet et les Instants n°158 (2009)