Like a Rolling Stone

François WEERTS, Le chagrin des cordes,  Paris, Delpierre, 2015, 333 p., 20 €/ePub : 12.99 €

weerts_dewezAprès Les Sirènes d’Alexandrie (Actes Sud, 2008), c’est à nouveau dans la capitale belge qu’on retrouve Antoine Daillez, ancien journaliste fraîchement rentré d’Israël, où, reconverti en psychologue, il a œuvré durant plusieurs années au service d’une association spécialisée dans le soutien des victimes de guerre, aux côtés de son épouse et ex-prostituée, Sonia. Mais ça, c’était avant… Avant la trahison, la rupture, le chagrin, la solitude. À Saint-Josse où il occupe désormais un petit appartement en solo, Daillez laisse les jours filer, tous semblables, ponctués par les quelques visites de rares amis et rendus moins pénibles par le vin – du Chardonnay – qu’il écluse à toute heure.

Une lettre de Gilles le sort de sa léthargie en même temps qu’elle le replonge dans ses souvenirs des années 1970. Son ancien ami qu’il ne voit plus soupçonne l’usine bruxelloise Forgibel, qui l’emploie comme ouvrier, de manipulations frauduleuses et sollicite Daillez pour ses talents d’enquêteur. D’abord surpris – « Gil » le rockeur, ce guitariste brillant, a donc abandonné la musique –, Daillez décide de lui venir en aide, mais pour Gilles, c’est trop tard : son corps sans vie est retrouvé dans les murs de l’usine. Un cambriolage qui a mal tourné selon la version officielle. Mais Daillez n’y croit pas…

À travers son héros meurtri, François Weerts brouille les pistes, baladant le lecteur entre passé et présent, à travers les quartiers industriels de Bruxelles, l’horreur du génocide rwandais, la réalité du régime communiste est-allemand. Et toujours ce besoin de vengeance et cette interrogation : jusqu’où peut-on légitimement aller pour venger quelqu’un ? Et puis, à intervalles réguliers, il y a cette musique entêtante, celle des Stones et de leur guitariste génial, Mick Taylor, à qui Gil s’identifie, revivant la carrière de son idole au sein du groupe mythique et mêlant ses propres souvenirs de la scène à ceux de Taylor, pour tenter de comprendre les raisons de son départ, en plein âge d’or.

Alternant l’enquête de Daillez et les rêves de gloire de Gil, François Weerts tient le lecteur en haleine jusqu’à la fin de l’intrigue, par son style vivant et sa panoplie de personnages au profil particulièrement travaillé et à la belgitude affirmée, de la séduisante orpheline déterminée à venger la mort de son père, à l’ouvrier en colère accablé par la mort de son ami, en passant par des musiciens déchus et aigris et un inspecteur de police amateur de bonnes trappistes.

Avec ce second roman, François Weerts réinterroge sans cesse la frontière entre le Bien et le Mal, entre le permis et l’interdit. Et vous, qu’auriez-vous fait à leur place ?

Marie DEWEZ