David BESSCHOPS, Besschop(s), L’âne qui butine, s.d.,191 p., 22 €
Les éditions de L’Âne qui butine ont le don de dénicher des météores littéraires ! Au gré des trouvailles, le catalogue s’affirme, s’affine, s’affûte. Leur belle et exigeante collection « Xylophage » (dont chaque ouvrage est tiré précisément à 317 exemplaires sur un Vergé choisi) s’enrichit d’un texte hors norme, inclassable. David Besschops n’en est pas à son coup d’essai. On se souvient de son Trou commun, roman qualifié de familial et publié aux éditions Argol en 2010. Dans cet opus intitulé brièvement Besschop(s), où l’on apprend que l’auteur « est né de manière impromptue en 1976 durant le voyage de noces de ses parents », la plume fragmentée déchiquette avec rage la gangue d’une énigme atavique. Trois moments d’une relation familiale brisée qui vont justifier le pluriel du titre. Trois biographies mises entre parenthèses, trois écritures par lesquelles l’auteur se vide littéralement de ses obsessions, de ses fractures. La mise à nu est osée ! Mais la langue âpre est lucide et maîtrisée, même si l’on pense inévitablement à L’Ombilic des limbes d’Artaud: « écrivain je métamorphose l’obsession mon identité que j’appelle papa bernard-l’hermite ou bruno le roman de commande remet la crise des émotions spongieuses au milieu du visage ». Au fil des pages, l’écriture s’amenuise pour laisser place aux jeux de miroirs autour d’un « je » balayé par sa généalogie. Les biographies de l’auteur, multiples et mutilées, qui s’entrecroisent dans cette auto-friction vont petit à petit révéler des secrets inavouables : « écrivain de mon roman de commande j’adoube ma trouille la bien membrée ma trouille est verte dans une robe rousse et mon poignet est muet je m’interroge quel sperme éjaculer quand l’inceste se situe en dessous de la ceinture la Peur m’étreint me congratule m’appelle papa je l’ai enfreint le père rempart… ». Curieux cabinet de viscosités, le récit entasse les révélations d’une famille vue comme « une basse cour à l’ombre des coqs dominants » symbolisés par le père violent et la mère aguicheuse. Qu’importe en somme la véracité des propos, l’écriture reste forte et dense ! Et même si elle nous plonge dans une bauge, pleine de saillies et de sanies, elle fait sourdre en nous un fond de détresse que n’arrive pas à masquer l’impertinence provocatrice du sujet Besschops.
Rony Demaeseneer