Philippe FIÉVET, Ruby, une romance birmane, M.E.O., 2023, 212 p., 19 € / ePub : 11,99 €, ISBN : 9782807004023
Ruby est photographe et le narrateur, de trente ans son aîné, l’a rencontrée à la faveur de séances de prises de vue dans un jardin, alors qu’il préparait un ouvrage sur les arbres. Fasciné par le caractère solaire de la jeune femme en couple avec Claire, il a renouvelé les collaborations avec elle et une complicité s’est instaurée entre eux, alimentée par une fascination commune pour un pays, la Birmanie. Continuer la lecture →
Paul DE RE, Le chantoir du diable, Murmure des soirs, 2022, 140 p., 20 €, ISBN : 978-2-930657-88-2
Créatrice et directrice de la maison d’édition Murmure des soirs – dont on célébra il y a peu la première décennie –, Françoise Salmon publie le dernier roman en date d’un écrivain à la fois prolifique et multiple, Paul de Ré. Auteur et interprète de nombreuses chansons (de 1974 à 1986, le futur romancier publia pas moins de cinq 33 tours dont on retrouve avec nostalgie quelques traces sur l’internet), l’écrivain liégeois inscrit, après des premiers romans « régionalistes », tous les trois ans un nouveau roman au catalogue de Murmure des soirs: les deux volumes de La pierre au cœur (2013),Mademoiselle de ces gens-là (2016), Les secrets du bastidon bleu (2019). Continuer la lecture →
Philippe COLMANT et Philippe LEUCKX, Frères de mots, Coudrier, 2022, 90 p., 18 €, ISBN : 978-2-39052-030-6
Philippe Colmant et Philippe Leuckx se sont rejoints dans un volume écrit à quatre mains, orné de photographies en noir et blanc. Le titre Frères de mots se justifie d’emblée : rien n’indique auquel des deux Philippe attribuer tel ou tel poème. L’auteur des photographies, paysages de forêts et chemins de campagne enneigés, n’est pas davantage identifié dans ce recueil paru aux Éditions Le Coudrier. C’est bien d’un entrelacement délibéré qu’il s’agit pour ces deux poètes, excluant que l’un se prévale d’une image fût-elle stylistique ou argentique.
Chaque poème donne à cette complicité un éclairage fraternel, d’autant plus intense que l’un et l’autre se retrouvent dans chaque mot déposé dont ils se dépossèdent. Y a-t-il échange plus profond que celui-ci, entre deux artistes, mêlant leur encre, rendant de l’amitié/ sa belle tessiture ? Chaque page du recueil évoque avec une puissance que Montaigne – dont on sait les pages inoubliables que lui inspira la mort de son ami La Boétie – ne récuserait pas, la force de l’amitié qui irradie de ces Frères de mots. Cette amitié sans laquelle semer le ciel/ reste hors de portée est déclinée en quatre-vingts variations évoquant le partage (partager la sente/et la mie du poème), la fidélité (de la main qui offre / tu sais cette sève / du don qui fait grandir) la communauté de la poésie (Et nos rimes fleurissent / Dans le vase de la vie), le silence bienvenu (Les portes béent / sur les mots / pleins de nos silences). Continuer la lecture →
Marie COLOT, Eden fille de personne, Actes Sud junior, 2021, 244 p., 14,90 € / ePub : 10,99 €, ISBN : 9782330153250
Dans certains États américains, des couples peuvent adopter des enfants et s’en séparer un peu plus tard. Ces derniers sont alors vendus à moindre prix à une autre famille et les associations qui se chargent de la transaction utilisent de véritables méthodes de marketing (catalogue, spots vidéo, défilés d’enfants, speed dating…), qui engendrent une compétition inévitable entre les candidats à l’adoption. Marie Colot s’est inspirée d’un documentaire sur ce phénomène appelé re-homing pour planter le décor de son histoire. Le ton est donné. Un ton âcre et interpellant. Continuer la lecture →
Sophie D’AUBREBY, S’en aller, Inculte, 2021, 288 p., 18.90 € / ePub : 13.99 €, ISBN : 9782360841189
Contrairement à l’amour mis en chant par Bizet, Carmen est enfant de bourgeois, et a toujours connu des lois. Née au début du 20e siècle au sein d’une classe aisée, dès son premier souffle, elle a endossé naturellement un costume étriqué confectionné de longue date par la société patriarcale, un « corset de manières cousu à même sa peau » par son milieu. Docile, elle a grandi sagement, sans questions ni attentes, en conformité, préservée. L’évidence la menait au mariage arrangé, une destinée dont elle était tenue à l’écart mais qu’elle acceptait en spectatrice. Cependant, même dans les dess(e)ins les plus maîtrisés, il y a toujours une ligne de fuite. Continuer la lecture →
Noémie FAVART, Marcel et Odilon, Versant Sud Jeunesse, 2021, 56 p.,15,90 €, ISBN : 9782930938264
Vous êtes-vous déjà amusé(e) à compter les pois d’une bête à bon dieu ? Toutes dotées de six pattes et de fines ailes cachées sous leurs élytres, elles se distinguent notamment par le nombre de leurs taches sphériques. Deux, cinq, sept, dix, quatorze, vingt-deux et même vingt-quatre, qui ne sont pas en lien avec leur âge, peut-être juste avec les souhaits à formuler à leur vue. Peu importe, mais que diriez-vous si, tout d’un coup, ces jolis coléoptères n’arboraient plus que deux pois, un sur chaque côté de leur carapace ? Ils gagneraient en homogénéité, certes, mais perdraient tellement en singularité… Marcel, coccinelle habitant depuis toujours à Coxis, bien que saturé de la vision de ces ronds ornementaux, se rebiffe ardemment lorsque ses amis, la rigolote Zélie et le très sérieux Bélonias, succombent, eux aussi !, à la mode de la chanteuse Rubille qui « […] est un peu spéciale : elle n’a que deux pois sur la carapace ». En plus, ils ont carrément décidé de reporter leurs vacances sous prétexte d’un concert de la starlette : « Marcel n’en revient pas. Comment ses amis ont-ils pu le laisser tomber pour un stupide concert ? Ils savent pourtant que ce voyage compte beaucoup pour lui. Eh bien, puisque c’est comme ça, il les passera tout seul ses vacances ». Il claque la porte, enfourche son vélomoteur et quitte le gris urbain pour s’aventurer dans la campagne avoisinante, comme d’autres sauterelles en car, fourmis en voiture et escargots… à pied ! Continuer la lecture →
Christine DELMOTTE-WEBER, Ceci n’est pas un rêve, Oiseaux de nuit, coll. « Rideaux rouges », 2020, 122 p., 10 €, ISBN : 978-2-931101-23-0
Alice, photoreporter de guerre, a besoin de s’éloigner du rythme intense de sa vie professionnelle. Après avoir découvert un échange de lettres entre les deux artistes peintres surréalistes, Leonora Carrington et Leonor Fini, elle se rend à Saint-Martin-d’Ardèche sur leurs traces. Depuis qu’elle est arrivée dans ce village, Alice rêve énormément. C’est comme si ses songes se matérialisaient, comme si des univers parallèles se manifestaient. Elle s’immisce dans la vie des deux peintres et assiste aux épisodes de 1939, lorsque Leonora, en couple avec Max Ernst, accueille Leonor et son ami Federico fuyant la capitale et la fureur nazie. Suite à un appel de sa rédactrice en chef, Alice accepte de conjuguer son repos avec un reportage sur les deux artistes. Peu à peu, le présent d’Alice se mélange au passé des deux femmes. Elle assiste à leurs conversations sans être vue. Mais parfois, un bruit, un élément témoigne de sa présence. Alice marche dans leurs pas. Elle produit des photos étranges, d’une autre texture, qui s’inspirent de la dimension poétique des deux artistes. Elle a l’impression de pouvoir enfin vraiment s’exprimer, même si sa rédactrice en chef n’est pas du même avis. Continuer la lecture →
Maylis DAUFRESNE (autrice) et Stéphanie AUGUSSEAU (illustratrice), Au fil de l’eau, Orso, coll. « Murmure », 2021, 36 p., 14,6 €, ISBN : 9791097284459
« Zéphyr est grand et Éole est petite ». En plus d’être grand, Zéphyr est d’un blanc immaculé, possède de longues oreilles souples et ne se départit jamais d’un doux sourire. Et Éole, elle, est plus en rondeur, son pelage marron est recouvert de taches rose clair et un sourire identique se dessine sur son minois. Peut-être ce trait en commun scelle-t-il leur tendre amitié, ainsi que l’été, les étoiles et l’érable « qui éclabousse la clairière de rouge en automne » qu’ils aiment tous les deux. Mais il y a aussi toutes ces différences qui les rendent complémentaires et inséparables : l’un est posé et protecteur, l’autre est émotive et curieuse. En bref, ils s’adorent et ce, « […] depuis toujours, c’est-à-dire au moins six ans ». Continuer la lecture →
Rose-Marie FRANÇOIS, Au soleil la nuit, MaelstrÖm, 2021, 250 p., 17 €, ISBN : 978-2-87505-385-5
« C’était au temps de la guerre du Viet-Nam, des hippies, du flower power ». Ce temps « Où tous les téléphones, tenus en laisse étaient assignés à résidence » nous dit encore Rose-Marie François entre autres repères chronologiques. Mais aussi « Où les réseaux sociaux se tissaient in situ, de visu et de vive voix ». Continuer la lecture →
Xavier DEUTSCH, La déclaration du juste, Sablon., 2021, 210 p., 15 €, ISBN : 9782931112038
Dans ce récit d’anticipation, Xavier Deutsch nous projette en décembre 2087 dans les Asturies. Émile Poil, un vieil homme de 86 ans, dont le métier consiste à conduire des personnes, communiquer des messages et allumer des feux, est chargé cette fois-ci d’emmener un jeune garçon de 12 ans, Antonin, auprès de Cisco, à 40 kilomètres dans les montagnes. Des raisons de ce voyage, nous ne savons rien et un brin de mystère planera tout au long du récit. Continuer la lecture →
Molly, de son vrai nom Marie-Odile – en hommage à la Tante Odile décédée prématurément dans d’horribles souffrances –, est une jeune fille pleine de vie qui se rend partout à vélo. À Saint-Péravy-la-Colombe, son village natal, elle va faire une petite révolution. Alors que son père, fan inconditionnel du Grand Général de Gaulle, aimerait qu’elle travaille au Carrefour comme lui, Molly a d’autres ambitions. Continuer la lecture →
Pierre CORAN, Les aventures des Pièces-à-Trou, Mijade, 2020, 256 p., 8,50 €, ISBN : 978-2874231513
Comme son titre l’indique, cet enthousiasmant roman de Pierre Coran est un livre d’aventures. Il y raconte celles du petit Simon, fraîchement admis dans la bande des grands de son village, surnommés les Pièces-à-Trou, dont il va désormais partager les jeux, défis et exploits. Il y a quelque chose de l’ambiance de La guerre des boutons dans ce récit d’un groupe de gamins s’organisant dans la bataille, si ce n’est qu’ici, le conflit est bien plus sérieux et leur est imposé. Leur enfance dans la campagne montoise va en effet bien vite être bouleversée par l’arrivée de troupes allemandes : nous sommes en pleine période d’Occupation et le quotidien des jeunes garçons et de leur famille va en être radicalement changé. Tous vont apprendre à vivre en côtoyant le danger, la peur et les drames, tout en résistant comme ils le peuvent. Continuer la lecture →
Yves PEYRÉ, Henri Michaux. Dans la ferveur d’une complicité, Tandem, 2019, coll. « Alentours », 166 p., 14€, ISBN : 978-2-87349-136-9
Octobre 1984 : le corps d’Henri Michaux est mis en bière en présence d’une vingtaine de personnes, désignées avec soin de son vivant. Parmi elles Yves Peyré, bibliothécaire, poète, essayiste, proche de l’écrivain-artiste depuis 1978, année où il vient de lancer à Lyon une nouvelle et ambitieuse revue littéraire, L’Ire des Vents. Timidement consulté, Michaux lui a aussitôt accordé son intérêt et promis sans doute l’une ou l’autre contribution. Les deux hommes se rencontrent, sympathisent rapidement malgré la dissymétrie : Michaux a 79 ans, Peyré 26, le premier est un créateur célèbre et fort sollicité, l’autre un provincial encore peu connu. Mais de nombreux engouements littéraires, picturaux et philosophiques leur sont communs, sans compter une profonde complémentarité de caractères. « J’avais rencontré ce mythe inaccessible » écrit Peyré, évoquant « l’émulation qu’il voulait bien m’offrir ». Leur rapport était-il du type père-fils, ou plutôt de maitre à disciple ? L’auteur préfère les formules « grand frère » et « cadet », chacun trouvant dans leur complicité son intérêt propre : le premier, se perpétuer en transmettant un précieux héritage moral, le second, s’enrichir d’une expérience humaine et créatrice hors du commun, tous deux relançant la curiosité et la réflexion de l’autre. Ainsi ces six années sont-elles marquées par une intensité relationnelle rare, dont le livre de Peyré donne le récit à la fois émouvant et minutieux. Continuer la lecture →
Monique BERNIER, Les hibiscus sont toujours en fleurs, MEO, 2020, 192 p., 17 € / ePub : 10.99 €, ISBN : 978-2-8070-0236-4
Le génocide rwandais restera un fait majeur de la fin du 20e siècle. L’ampleur du nombre de victimes en regard de la population, la rapidité méthodique des massacres et l’absence d’intervention de la communauté internationale ont donné à ce drame une dimension tragique qui ne cesse d’interpeller. De nombreux écrivains ont puisé leur inspiration dans ces faits, qu’ils les aient vécus ou non en tant que Rwandais. Si le sujet est loin d’avoir été épuisé, plus le temps passe, plus il impose d’apporter une contribution originale, d’autant que Monique Bernier a déjà abordé cette thématique dans La honte (Les Éperonniers, 1999), Le silence des collines (Les Éperonniers, 2001), ou encore La magie du frangipanier, roman paru en 2016 aux éditions Academia.
Jean-François FÜEG, Notre été 82, Weyrich, coll. « Plumes du coq », 2019, 127 p., 13 €, ISBN : 978-2-87489-525-8
L’amitié est un sentiment universel. Elle élève l’âme, cette immatérialité à la fois solitaire et solidaire. Ainsi, l’amitié est peut-être la moitié de l’âme. Elle est un alter ego, un autre que soi, égal et juste, une possible libération de l’esprit et du corps. Elle est intangible et pure, comme l’amour. Elle est irrationnelle et non reproductible. Elle est donc immorale, car on ne peut aimer tout le monde de la même manière. Or la morale doit s’appliquer à tout être humain, dixit Kant. Rutebeuf s’en fout. Continuer la lecture →
Isabelle BARY, Les dix-sept valises, Luce Wilquin, 2018, 190 p., 19€, ISBN : 978-2-88253-550-4
Mathilde, une journaliste pour un magazine belge, rejoint au Maroc son amie Alicia Zitouni, qu’elle a rencontrée un an plus tôt lors d’un reportage. Ces deux-là ont accroché tout de suite malgré leurs différences : Mathilde est une petite bourgeoise cartésienne coincée par la loi du marché professionnel, tandis qu’Alicia est une cheffe cuisinière lumineuse au passé chaotique, mais qui voit le beau partout. Le prétexte de ces retrouvailles est la notoriété grandissante d’Alicia, qui accepte un article sur elle, uniquement s’il est rédigé par son amie Mathilde, car la machine médiatique la broie un peu trop à son goût. Besoin de bienveillance oblige… Continuer la lecture →