Laurence GHIGNY
L’histoire du Géant se présente sous un format italien qui convient parfaitement à la longue horizontalité de ce Géant effondré dans la clairière. Un géant, qui tel Icare, est tombé de haut pour avoir côtoyé le feu. La narration est nourrie d’une fine poésie, basée sur des répétitions de sons, de mots, l’accumulation de paronymes et d’anaphores. Les illustrations qui l’accompagnent sont alimentées par une veine naturelle faite de brumes, de nuages, de troncs, de feuillages…
L’ouvrage plonge le lecteur dans un style ancien, avec un vocabulaire et une syntaxe qui se dotent de certains attributs d’un français moyenâgeux. L’histoire du Géant distille l’esprit des contes où la magie, les sentiments souvent tranchés, passionnés et l’oralité jouent un rôle primordial. Il est demandé ici au lecteur d’ « oïr » et de croire à l’histoire à la fois grandiose et simple, accessible aux « petites gens », de ce géant tombé sous le feu de la passion, consumé par l’amour. Et le lecteur écoute, peut-être exhorté par l’emploi du vocatif, et il y croit.
L’histoire du Géant est à écouter autant qu’à lire ou à regarder. Elle se déploie avec douceur et lenteur. À l’image de ce géant revenu à la vie grâce au rai de lumière qui a percé l’obscurité de la forêt pour toucher son visage et susciter un battement de cil, qui a entraîné à son tour un battement de cœur. Un retour à la vie aussi inattendu qu’évident. C’est sans doute cela la magie des contes.
L’histoire du Géant est un « beau livre », au sens de la forme et du fond, un livre qui obéit à un souci profond de la construction et à une exigence esthétique et poétique.
Anne HERBAUTS, L’histoire du Géant, Noville, Esperluète, 2015, 32 p., 19,50 €