Le néant débordant d’êtres

Martine WIJCKAERT, Néant, Éditions L’une & l’autre, 2016, 88 p., 12,50€

wijckaertLe néant ! Ce trou béant lié au rien, à l’inexistence, à l’absence. Martine Wijckaert – qui affectionne particulièrement la construction littéraire en trois temps et a écrit plusieurs trilogies – décline cette thématique en trois variations qui offrent différentes portes d’« entrée » sur cet abîme. La découverte du royaume des morts, le désert d’une vie déstructurée et agonisante, et le vide de nos existences sont au menu de ce récit publié aux éditions L’une & l’Autre.

Dans la 1ère entrée, un petit garçon de six ans perd son parrain alors même qu’il était en visite avec lui au musée d’Histoire naturelle. Entre les fossiles géants de ces antiques animaux, gît le corps sans vie de son parrain, tel un megaloceros giganteus. Commence ainsi la découverte de la mort et de tous les désagréments qu’elle engendre : les odeurs, le pourrissement, la mise sous terre, le cimetière où reposent d’autres personnes comme des enfants de quatre ans… Le petit garçon se retrouve face à une réalité dont il n’avait pas conscience. La mort est décrite comme un abîme qui n’a rien de paisible.

Dans la 2ème entrée, une femme et son mari s’enfoncent dans un gouffre délirant suite à un malheureux accident de homard à l’armoricaine. Dans la 3ème et dernière entrée, la narratrice décrit une faune qu’elle exècre : les parents « modernes » et leurs infects enfants qui s’imposent partout et n’ont que faire du reste du monde. Pourtant, nous sommes si peu de choses sur terre. Le temps nous passera à la moulinette comme tout le reste. De notre passage, il ne restera rien si ce n’est notre disparition.

Comme toujours, on se délecte de la langue exubérante et généreuse de Martine Wijckaert. Ses envolées lyriques nous transportent dans un style quasi proustien, telle une spirale sans fin. Son vocabulaire est aussi riche et imaginatif que le plus copieux des banquets rabelaisiens. Mais gare à celui qui mange trop : Martine Wijckaert n’a pas son pareil pour décrire les situations les plus triviales, voire scatologiques. Nous sortons rassasiés de ces trois « entrées ». Que nous réserve-t-elle encore pour le plat de résistance ?

Émilie GÄBELE