Armel Job, au-delà de l’obscurité

Armel JOB, Sept histoires pas très catholiques, Weyrich, coll. « Plumes du coq », 137 p., 14 €   ISBN: 9782874893834

jobOn ne présente plus Armel Job, en tout cas comme maître du genre romanesque. Il restait à le découvrir en orfèvre de la nouvelle, et voici que les Éditions Weyrich nous en offrent l’opportunité, en publiant ces Sept histoires pas très catholiques.

Même si la provenance de ces textes est disparate (la plupart ont en effet déjà été publiés dans la presse, sous format de plaquette ou dans tel ouvrage collectif), l’ensemble est caractérisé par une profonde cohésion, en grande part assurée par la récurrence de personnages (l’abbé Volner, le couple Valentin et Emma, le métayer Fergus…) et la permanence des lieux (le bourg imaginaire de Ferval dans les Ardennes, mais aussi Liège). Les drames et les bonheurs ricochent donc sur des destinées minuscules, à portée de notre sensibilité immédiate, oscillant sans fin entre l’amour et la mort.

Mais la symbiose qui règne dans ces pages est à chercher ailleurs. Dans une façon de raconter d’abord, qui est celle des plus éminents nouvellistes. Il y a chez Job un art consommé du trait et de l’évocation des rapports humains. Chaque personnage, saisi en synchronie, campé à un moment précis de son existence, se révèle dans sa complexité et son insoupçonnable profondeur, en quelques lignes. À la faveur d’un banal incident, d’un malentendu, d’une encombrante hostie volée, de deux mains qui s’effleurent en voulant saisir le même paquet de cigarettes, leur conscience remonte à la gorge des protagonistes, et c’est à la vérité même de son âme que chacun(e) se confronte.

Puis il y a le style Armel Job, limpide, filant droit, sans tapage ni aspérité, mais affûté dans les dialogues comme subtil dans les aphorismes. Dans « Une communion », peut-être la plus troublante de la série, on rencontre ces deux phrases : « Le cœur impatient cherche des signes. La moindre symétrie suffit. », et une fois la lecture achevée, il apparaît que c’est autour de ce grain de sable que toute la perle s’est constituée.

Et Dieu dans tout cela ? Il ne porte pas de longue barbe blanche, ne nourrit aucune jalousie ni désir de vengeance, ne surgit pas brusquement de derrière un pilier… Dieu, c’est le lien qui réunit ces maris pécheurs et ces épouses pécheresses, ces mécréants nés sous un dolmen, ces non-pratiquants mais qui ont « le respect ». Dieu, c’est, une fois qu’ils ont pris la mesure de leur abysse intime, la réponse qui leur est donnée « d’au-delà de l’obscurité ». C’est en somme la fin de la détresse et de la solitude.

Des histoires « pas très catholiques », sans conteste. Aussi peu qu’un Marcel Aymé ou qu’un François Mauriac auraient pu en signer de telles, s’ils avaient eu le bon goût de naître dans les Ardennes belges…

Samia HAMMAMI