Léo et la pureté des âmes

Léo BEECKMAN, Poèmes quantiques, Maelström, 2017, 42 p., 12€, ISBN : 978-2-875052-72-8

J’ai sous les yeux les Poèmes quantiques de notre cher Léo. Inutile de préciser le nom de famille. Les habitués du Carnet et tant d’autres auront deviné sans peine qu’il s’agit de Léo Beeckman qui nous a quittés sans crier gare en ce début d’année. Inutile d’ajouter non plus que sa silhouette rassurante comme sa voix et ses conseils toujours judicieux nous manquent profondément. Mais si la voix s’est tue, il reste les mots ! Et quels mots ! De ceux qui ont la force de prolonger, de raviver le dialogue, de faire entendre encore un peu le timbre complice d’une écoute franche et amicale. Des textes qui ne s’adressent pas seulement au cercle intime, mais des mots justes, pleins de cet humour lucide que seuls le jeu ou la pirouette d’une formule peuvent éveiller chez chacun. Car si l’ami Léo est resté, comme souvent, modeste et discret vis-à-vis de sa production, c’est sans doute parce que son exigence de la juste tonalité était à la hauteur de la confiance qu’il mettait dans la parole échangée avec l’autre, son égal.

Je lis
L’histoire d’un ami
Qui est aussi
La mienne
Car je me souviens
De l’écoute
De ses mots
Battements de bruits
Sur l’air
Avant d’être couché
Noir sur Blanc
Dans la mémoire du papier

J’ai sous les yeux cet unique recueil de Léo, double recueil en fait puisqu’édité dans cette collection hybride de Maelström 4 1 4 qui fait écho à l’homme de partage qu’il était. Un recueil qu’il n’aura pas eu le plaisir de voir publié, de toucher, lui l’amoureux du beau livre. Tout comme son roman qui doit paraître aux éditions Weyrich et dont le titre, Dos au public, semble tout à coup ironiquement prémonitoire. Mais il savait, comme il l’écrit, que le papier choisi avec attention possède ce don étrange d’être miroir de nos passions, donc aussi mémoire infaillible de nos peines, de nos joies, de nos désirs increvables. À lire ces poèmes, on se rend compte combien l’homme et le poète ne font qu’un. Brisant le miroir justement, le poète a rejoint l’homme par l’éclat d’évidence du mot économe, suffisant et qui dit, sans amertume ni arrogance, le monde comme il va même s’il va mal. Le poète a la démarche du bourlingueur qui se sait lourd de souvenirs mais continue, de Bruxelles à New-York en passant par l’Afrique, de voir, d’observer et de noter les infimes variations – bribes quantiques – d’un hymne à la vie, pour ne rien laisser passer.

Pardonne-moi petit
De ne pas jouer à la marelle
Pour atteindre le ciel
J’ai encore des cailloux
Pleins les poches
Et trop de poids
Dans la tête
Pour laisser les mots
Au vide

J’ai sous les yeux le recueil de Léo. Recueil qui restera orphelin d’une dédicace mais qui porte en lui, dans ces douze poèmes, tous les exergues du monde. Léo avait confiance en l’humain, seul capable de rendre cette vie somme toute magnifique comme le précise, dans la préface, Werner Lambersy, l’ami de toujours. Ce qui restera de tout cela ?

La splendeur
De la nature tropicale
Et la pureté des âmes
Qui y vivent

J’ai sous les yeux le sixième poème quantique.

Dire qu’il suffit
D’une poignée de sable
Sur la mort
Pour déchaîner la colère
Et punir l’amour
Or
Pour chaque mort
Il y a un vivant

Et ce vivant, c’est Léo !

Rony Demaeseneer

 


Le 2 septembre 2017, une soirée d’hommage à Léo Beeckman se tiendra à la maison internationale des littératures Passa Porta. 

Cette soirée naviguera entre l’évocation de ses passions littéraires, de son parcours d’ambassadeur des lettres et la découverte de ses propres textes lus et mis en musique avec la complicité d’Isabelle Wéry et d’Étienne Minoungou.

Entrée libre mais réservation souhaitée.

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