Colette NYS-MAZURE, Éveil à la poésie, l’Arbre à paroles, coll. « Essais des Midis de la Poésie », 2017, 48 p., 9 €, ISBN :
Comment favoriser l’éclosion de la sensibilité poétique ? C’est le thème de la rencontre à laquelle nous conviait Colette Nys-Mazure, le vingt et un février 2017, dans le cadre des Midis de la Poésie, en compagnie de Marie Ginet et en collaboration avec le réseau Kalame. Sous le bel exergue d’Andrée Chedid : « Le Je de la poésie est à tous / Le Moi de la poésie est à plusieurs / Le Tu de la poésie est au pluriel ».
D’entrée de jeu, Colette Nys-Mazure nous incite à retrouver l’expérience initiale de la langue maternelle, « perçue dans le ventre qui nous a portés […] Relayée par les comptines et les chants de la petite enfance » ; et, dès le commencement de la vie, de « l’intarissable surprise d’être au monde ».
Elle cite Amin Maalouf : « Je suis né sur une planète, pas dans un pays. Si, bien sûr, je suis né aussi dans un pays, dans une ville, dans une communauté, dans une famille, dans une maternité, dans un lit… Mais la seule chose importante, pour moi comme pour tous les humains, c’est d’être venu au monde ».
Parmi les premiers poèmes qui se sont gravés dans sa mémoire, elle évoque l’irremplaçable Chanson du mal-aimé d’Apollinaire, que récitait un de ses professeurs (à saluer !) en arpentant la classe.
Puis elle interroge la vision poétique, qui embrasse plus que la poésie ; se reconnaît dans les chorégraphies de Pina Bausch, les paysages urbains peints par Hopper, la musique de Schubert, Erik Satie ou Arvö Part, les jardins de Monet…
Chante la langue française, riche de ses trésors révérés, mais aussi ravivée, égayée par les néologismes, des audaces syntaxiques, des trouvailles à ne pas bouder.
On se rappelle que Rilke, dans ses Lettres à un jeune poète, invitait celui-ci à se détourner des grands sujets pour cerner ceux, modestes, que lui proposait sa vie quotidienne. Dans la même ligne, Colette Nys-Mazure croit que rien n’est insignifiant pour qui sait être vigilant et déceler l’invisible sous l’apparent. Ses cinq sens aux aguets, auxquels elle en ajoute un sixième, combien précieux : l’intuition.
Au fil d’une célébration de la poésie, elle s’arrête sur ses sources d’inspiration, ses styles, ses accents.
Le lyrisme engagé d’Achille Chavée, priant, en pleine détresse, un vieil ami de le recueillir pour une nuit, « le temps de recharger / soigneusement / mes armes / celles de la colère de la révolte et de l’amour ».
La magie de l’enfance, dont Guillevic saisit finement les envolées dans un monde imaginaire, qui échappent aux grandes personnes.
Le secret des âmes, qui se murmure, avec une déchirante douceur, dans le poème de Maeterlinck « Et s’il revenait un jour ».
La nature, le passage du temps, l’amour, la mort…
Enfin, surtout, Colette Nys-Mazure nous adjure de partager avec nos enfants – « ceux du sang et du cœur » – les joies, les émotions, les ferveurs que sèment les chemins de la poésie. De les entraîner à goûter, savourer les merveilles de la langue ; à sentir comment le poème, lorsqu’il nous porte, nous emporte, « nous donne à vivre mieux et plus loin ».
Elle achève ce tour d’horizon de la poésie « qui dit, crie, chante, invente la vie de chacun, l’approfondit et la magnifie » par un poème d’André Schmitz qui l’approche au plus près, au plus juste : « La poésie, elle la passante inouïe / que je prie en silence de réchauffer ma vie ».
Francine Ghysen