Olivier EL KHOURY, Surface de réparation, Noir sur Blanc, coll. « Notabilia », 2017, 150 p., 14 €/ ePub : 9.99 €, ISBN : 978-2-88250-483-8
Nouveau venu sur la scène littéraire belge, Olivier El Khoury a déboulé la balle au pied, affublé des couleurs du club de football de Bruges. Son premier roman, superbement intitulé Surface de réparation, pourrait contribuer à rapprocher deux mondes parfois situés aux antipodes l’un de l’autre.
Le roman commence sur les chapeaux de roues avec la naissance du héros/anti-héros, en plein match du F.C. Bruges, dont le père est un fan inconditionnel au point de privilégier le club à l’arrivée du fiston. Une passion irrationnelle pour les Bleus et Noirs dont héritera le fils avec la même radicalité et la même mauvaise foi. « Ma femme à moi, c’est Bruges », proclament-ils.
Néanmoins, le fils voit poindre une autre obsession, celle pour les seins, les premiers émois, les premières conquêtes à la chaîne, la folie du manque « Tous ces livres que je ne lirai jamais, tous ces culs que je ne baiserai jamais », les premières pannes aussi : « Baiser n’est pas une sinécure. » Le roman devient initiatique, dans un style moderne, argotique, cru et déjanté.
Nous n’avons pas évoqué encore les origines arabes du personnage central et de sa famille, laquelle attend de lui qu’il se comporte mieux que tous ses condisciples, au nom de la sacro-sainte intégration. Notamment en obtenant un job. Olivier El Khoury rend à merveille cette quête d’identité chez son personnage et toutes les frustrations et ambiguïtés qu’elle peut amener. Son physique méditerranéen l’assimile soit à un migrant, soit à un terroriste, ce qui explique selon lui ses déconvenues de dragueur. Quand des attentats surviennent à Bruxelles, même son père en vient à le soupçonner… « Devoir choisir entre le rôle de victime ou de salope, c’était un peu l’histoire de ma vie (…) J’étais un perdant magnifique. »
Rien de plombant néanmoins : quantité de scènes sont hilarantes comme sa communion qui n’aura rien de solennel, son tatouage raté, son engagement dans un grand magasin de sport en costume-cravate, sa rencontre avec un Coréen de passage, son inflammation des couilles à la suite d’une initiation au surf, etc.
Mais si la vie se joue entre bleu clair et bleu foncé, elle peut virer aussi au noir. Le supporter de foot a un jardin secret : l’écriture. Journalistique d’abord dans une rédaction sportive, poétique ensuite au grand dam de ses parents qui voient dans ses vers l’œuvre d’un pervers. Renié par ces derniers, il entame une lente descente aux enfers. Se précise au fil des pages le portrait d’un tendre loser sans prétention, qui doute souvent et sait se moquer de lui-même, décalé par rapport aux attentes de la société et de sa famille, émouvant et drôle à l’image du roman. Un roman qui offre également une étonnante peinture de notre époque, de ses mœurs et de ses contradictions.
Michel Torrekens