Elke DE RIJCKE, Juin sur avril (extrait), Juni over april (fragment), éd. bibliophile bilingue, Druksel, 2017, 48 p., 20 €
Le corps est au cœur de la poésie d’Elke De Rijcke. En quarantaine[1], lacéré ou jouissant, le corps essuie les coups portés par les échouages successifs. Mais il se relève toujours, réapprend les gestes quotidiens même si la réadaptation peut être lente. Ce dernier recueil sous forme d’édition bibliophilique bilingue est un fragment. Bribes d’un travail en mouvement plus large que l’auteur entreprend comme on prendrait le large, vers des contrées inconnues, insoupçonnées. Les termes médicaux, précis qui jalonnent le texte ajoutent au sentiment d’intimité qui se tisse entre le lecteur et la page, peau que l’on caresse et pénètre parfois. Celle de l’amant vaincu ou fuyant, celle morcelée du malade en sursis :
à un niveau profond, c’est la dose intracellulaire d’euphorie espérée chaque jour
l’espoir d’un socle de dopamine d’où repartir
reveniroù prendre une cerise entre mes lèvres, l’éternelle-l’infinie
et au moment où elle est sur le point d’exploser
tournis-fonce en moije serai allégée, rosée angélique
exécutrice de ma zone tegmentale et du noyau accumbens
La place qu’accorde l’auteur à la disposition des mots sur la page n’est pas non plus anodine. Elle participe de cette esthétique de l’écriture réfléchie qui incise avec précision. La plume comme un scalpel qui ouvrirait avec minutie la surface de la page-paume pour en laisser s’échapper les fluides excédants. Écoulements salvateurs de deux corps qui se superposent comme les deux mois (moi-s) du titre qui se chevauchent, Juin sur avril.
saillit de la tranchée par quatre fois mon biceps –
hoquète
hoquet démantibulé
tu sors du tuyau, es-tu prothèse ?et gicle ta bave de polystyrène
par lait grenu.
Même si la poésie d’Elke de Rijcke ne se laisse pas facilement aborder, elle tient en éveil, en veille en poussant loin l’examen de ce corps qui nous habille chaque jour. La poésie d’Elke de Rijcke est en somme une auscultation !
Rony Demaeseneer
[1] Titre d’un recueil de l’auteur paru en 2014 aux éditions Tarabuste.