Rio DI MARIA, Énigmes du seuil, Arbre à paroles, 2018, 148 p., 15 €, ISBN : 978-2-87406-674-0
Pour énigmatique qu’il soit, ce nouveau recueil de Rio Di Maria est en continuité des précédents et il place au seuil d’un espace littéraire qu’il maîtrise autant qu’il s’y perd à volonté. Ses poèmes ressemblent rigoureusement à ses dessins ; entre abstraction et surréalisme. Ils sont d’un égal effet à partir d’un scrupuleux souhait de ne pas avoir de destination au départ de la plume. La forme et la lettre cherchent le parcours le plus libre sur la feuille blanche.
Dans l’arrière-pays d’un cahier blanc
jaillissent troupeaux de lettres
Des figures et des mots s’extraient d’une foison de traits et une jungle de vers ; bien centrés sur la page. Cent dix-sept poèmes emmènent dans un inextricable tissu brodé en tous sens, toutes couleurs à l’intérieur du cadre clair des bords du livre. Chaque lecteur y trouvera paille à martyr et maille à partir avec des images, des sensations, des interrogations, des fulgurances. Plus que jamais, la poésie permet toutes les exubérances comme du théâtre d’imbroglio.
La main invisible
(…) s’envole lumiéreusement
Bercé par le torrent, des mots et leurs thèmes reviennent souvent. Assez pour qu’un fil se tisse et qu’une couture apparaisse : l’absence, l’enfance, l’innocence, le soleil. Car l’auteur est un Homme apatride qui a quitté la Sicile pour la Belgique à onze ans. Si sa vie est ici depuis des décennies, Rio Di Maria chérit encore ses dix premières années là-bas. Marqué, elles lui manqueront toujours.
floue et inguérissable
comme l’enfance fidélissime
D’écriture et de facture non linéaires, « il faut s’accrocher comme lecteur » reconnaît l’auteur, tenant sciemment à sauter d’un sujet à l’autre objet, d’une énigme à l’autre mystère, tels la liberté, les mots, la naissance, la neige… Autant de merveilles qui soulagent d’un quotidien saccagé justifiant une écriture saccadée. Où les poèmes contiennent des poèmes, laissant isoler des sortes d’aphorismes comme des joyaux dont l’éclat inattendu prouve l’existence de l’éternité, l’immensité, le cosmos…
tu enregistres les sanglots des comètes
(…) gravitant autour de soleil nabots
Rio Di Maria est du surréalisme un « petit-fils… ni Breton, ni Éluard, ni Aragon… surprendre le lecteur me plaît grâce à des associations nouvelles. » À une exception près : Voyager barbelés aux lèvres, où la sous-réalité l’emporte à cause d’associations sans appel.
La nuit la plus noire ouvre ses abîmes
pour billets en aller simpleTout regard baisse les yeux
Innocence de l’humanité à genou
Tito Dupret