Solitudes en mode survie

Gabrielle LEVY, Au rendez-vous des insomniaques, Lattès, 2019, 269 p., 18,90 € / ePub : 13.99 €, ISBN : 978-2-7096-6341-0

Nous entrons dans l’univers de cinq personnages qui se rencontrent pour la première fois dans des réunions de thérapie collective pour soigner leurs insomnies. Il y a Claire, une correctrice de romans bas de gamme qui vient sous la pression de son mari ; Michèle, une professeure en Lettres pensionnée qui nettoie une église pendant la nuit ; Jacques, un psychiatre shooté aux somnifères ; Lena, une étudiante en secrétariat habillée et maquillée comme une geisha ; enfin, Hervé, un comptable zélé dans une agence de communication.

Hélène, la psychologue chargée d’animer le groupe, aura du fil à retordre avec ces cinq lascars que presque tout oppose en apparence et qui ont tendance à régulièrement transgresser les consignes de la psy. Avec beaucoup de patience et d’empathie, elle tentera de les aider, même s’il n’y a pas de solution miracle au problème de nos protagonistes (« Chaque insomniaque est différent et mériterait qu’on lui consacre beaucoup plus de temps et d’intérêt. Mais les moyens manquent, on fait avec ce qu’on a. »).


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Nous découvrons heure par heure la vie nocturne de chaque personnage alternativement et nous devinons leurs fragilités communes : les blessures non cicatrisées, le manque de soutien du conjoint et de l’entourage, la déréliction et l’angoisse inouïes contre lesquelles ils se battent au quotidien…

Mes nuits ressemblent encore à celles des enfants, peuplées de terreurs infondées et d’ombres inquiétantes. J’ai pourtant misé beaucoup sur l’aménagement […]. J’ai voulu faire de ma chambre un corps chaud et accueillant où venir me réfugier. Mais la nuit venue, lorsque les lumières sont éteintes, le décor s’abîme fatalement dans l’obscurité. Et je pourrais tout aussi bien me retrouver dans une cellule de prison ou une salle d’isolement.

Avec ce premier roman, Gabrielle Levy nous donne à lire une galerie de portraits à la complexité juste, où les non-dits, les liens délités avec le temps, les souffrances non travaillées créent subtilement l’iceberg de l’insomnie qui revient inlassablement chaque nuit tourmenter ses victimes.

Au rendez-vous des insomniaques est un cri. Un cri de désespoir, un appel à l’éveil des consciences, un appel à se relier à notre part commune d’humanité. Pour ne plus être indifférent ou avoir peur face aux cernes des personnes que nous fréquentons et qui sont hantées par les tourments nocturnes de leur inconscient.

Séverine Radoux