Edgar KOSMA, #VivreAuVingtEtUnièmeSiècle, Arbre à paroles, 2019, 113 p., 15 €, ISBN : 978-2-87406-688-7
Samedi soir, lors de dédicaces chez Home Frit’ Home, librairie-galerie-boutique du surréalisme et micro-musée de la frite à Forest, Edgar Kosma m’accueille avec douceur et simplicité. Il a manifestement l’habitude de recevoir un inconnu venu de nulle part. Et d’emblée, il absorbe les questions d’un regard profond dans celui de son interlocuteur. De temps en temps, son champ de vision s’élargit et part pas mal loin pendant qu’il répond.
Edgar Kosma ne lit pas de poésie et me dit franchement qu’il n’y connait rien. Scénariste de BD (Le Belge en quatre tomes), romancier, chroniqueur de radio aussi, il se tourne aujourd’hui vers le standup. C’est ce qui l’anime et le motive désormais. Il écrit beaucoup en amont puis se teste sur scènes ouvertes par apparitions de dix minutes parmi d’autres humoristes.
#VivreAuVingtEtUnièmeSiècle est né en ligne, par bribes, avec des textes courts dont le point nodal est un seul et unique mot : le verbe être à l’indicatif imparfait, troisième non-être du singulier. C’était. Cette formule ouvre chaque texte, court, sans figures de style ni fioritures. Et de poésie, si la forme y est par la mise en page, Edgar Kosma convient volontiers qu’il s’agit plutôt d’une narration, voire d’un essai, et même plutôt phénoménologique. Ajoutons : d’anticipation, car il faut lire, par exemple page 61 : #VivreAuVingtEtUnièmeSiècle,
C’était regarder l’image de ta façade
Dans Google Street
Existe-t-il une infime probabilité
De t’apercevoir nue
Derrière les rideaux
C’était refermer l’onglet
Pour en ouvrir un autre
Y a-t-il poésie ? Bien sûr ! puisqu’il y a création, étymologie du mot. Laquelle ? Déjà celle dans la verve à la fois mélancolique, incisive et frontale donnée à l’observation de son propre siècle par l’auteur, nez dans le guidon. Ce qui n’a pas échappé à Antoine Wauters, directeur de la collection « iF » chez L’arbre à paroles, qui édite ici. C’est lui, me dit Edgar Kosma, qui l’a encouragé à poursuivre pour publier. En effet, sa plume répond bien au cahier des charges : « croisée des genres, transfrontalier, diversité des formes, liberté de ton et plaisir d’oser ».
Plaisir d’oser la poésie sans rien y connaître, sans pudeur ni fausse pudeur, en toute sincérité ; et répétons simplicité. Pour découvrir ensuite, par la façon, par surprise, livre en main, par ouverture d’esprit, qu’on est enfin soi-même, auteur et lecteur, bel et bien sorti du 20e siècle et entré dans le 21e. Quel soulagement. Il était temps. Car la fin, l’inéluctable et nécessaire fin, approche, est là. Verbe être à l’indicatif présent. #VivreAuVingtEtUnièmeSiècle,
C’était s’enfoncer
Peu à peu
Dans le confort digitalisé
De mon propre malheur
En attendant
Paisiblement
La fin du monde
Que nous nous étions
Illégitimement
Approprié
Tito Dupret