Anatole ATLAS, Axiome de la Sphère, Miroir Sphérique, 2020, 496 p. 20 €, ISBN : 978-2-96018-252-1
La lecture vécue plus que jamais comme une aventure. À la fois intérieure et multiple.
Le dernier livre d’Anatole Atlas, Axiome de la Sphère, nous invite à larguer les amarres pour un étourdissant voyage à travers l’espace et le temps, qui se double, se prolonge de réflexions tantôt graves et denses, tantôt véhémentes, sarcastiques, à l’emporte-pièce.
D’emblée, nous sommes transportés dans l’aura de L’épopée de Gilgamesh, « le premier champion de la littérature universelle ». Lui qui « reflète, en signes gravés dans une argile millénaire, nos plus modernes inquiétudes ».
Les sources des fleuves mésopotamiens sont en Anatolie. Son épopée d’il y a cinq mille ans conduisit Gilgamesh, après un périple maritime de plusieurs mois, vers l’océan lointain du Couchant. Par quel hasard – ou quelle nécessité secrète – une obscure figure de la littérature contemporaine avait-elle pour nom l’emblème symbolique d’Anatole Atlas ?
Sur cette énigme se noue l’histoire.
Au fil de rencontres exaltantes, nous saluons le grand poète chilien Pablo Neruda et son Canto General, « œuvre maîtresse de notre temps ».
Baudelaire, dont les mots « Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère » sont « le cri primal de la poésie moderne ». Parole d’exil, de nostalgie de liens, de communion, du plus grand des romantiques, qui serait bientôt frappé d’aphasie dans une église de Namur, et qui a célébré les nuages, « les merveilleux nuages », inséparables de son souvenir.
Rimbaud, Aragon…
Aimé Césaire, Edouard Glissant, Patrick Chamoiseau, chants venus des îles, « la Caraïbe, d’abord un tournoiement, une ivresse de la pensée ou du jugement, une nécessité du tourbillon et de la rencontre, de l’accord des voix ».
Tyl Ulenspiegel et le commissaire Maigret, « les deux plus fameux personnages de la littérature belge ».
« Un illuminé » du nom de Jerôme Bosch, et son triptyque Le jardin des délices.
Jean Jaurès, qui avait proclamé, voici plus d’un siècle : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée l’orage ». Déclaration à laquelle l’auteur adhère sans réserves.
Nous croisons aussi des figures vivement contrastées de la scène politique contemporaine, tels Killer Donald, Baby Mac (Emmanuel Macron), Élisabeth et Robert Badinter, Theo Francken…
Une aventure haute en couleurs, en accents fougueux, de la révolte face aux injustices, discriminations, misères (incarnée par l’œuvre cinématographique de Ken Loach), de la dénonciation de « cette ère de l’immédiateté instantanée, de la connexion universelle » qui tend à rendre l’être étranger à sa vérité profonde, à une vibrante allégresse.
Un livre foisonnant jusqu’au vertige, dont certains passages résonnent longuement.
L’on pourrait supprimer bien des phénomènes de l’Histoire sans que son essence n’en soit gravement modifiée. Mais l’amputer de la Révolution française et de la Révolution russe équivaudrait à la décapiter.
Il y a entre les livres et la vie – comme entre les êtres parfois – des coïncidences magiques. Certaines puissances invisibles guident vos pas, votre main, vers une source où dort la voix qui devait jaillir à cet instant.
La plus haute mission de l’écriture n’est-elle pas de produire une vision globale révélant la face cachée du monde… ?
Francine Ghysen