Lucien NOULLEZ, Tout peut commencer à trembler, Éd. de Corlevour / Revue Nunc, 2020, 93 p., 16 €, ISBN : 978-2-37209-074-2
Comme pour mieux se rendre disponible à l’écriture, Lucien Noullez ouvre ce dernier recueil par un poème d’ordonnancement. Afin que tout puisse commencer à trembler, le poète range, chaque objet à sa place, des plus triviaux, les torchons, les balais, les lavettes, à ceux dont il usera pour faire acte poétique, le crayon (celui des acrobates[1] sans doute), les livres et les pièges de l’orthographe.
Tout est ordonné, l’aventure du poème peut commencer. Avec plus de vingt ouvrages publiés, Lucien Noullez poursuit ici cette quête du presque tout, mais, comme souvent, tout est dans le presque. Une petite musique que le poète décline et cherche à capter dans les moments les plus anodins du quotidien. La musique, la lecture, la spiritualité, des thèmes chers à l’auteur qui reste curieux et attentif aux petits tremblements du réel.
Lorsque j’écris, je n’écris pas, / mais un poème peut tomber / dans mon oreille. / Lorsque j’écoute, je suis sourd, / et dans ces tremblements, / j’avance quelquefois des mains vibrantes. / Lorsque j’ai retrouvé ma gomme, / il reste malgré tout des petites pelures / et quelques traces de crayon. / Je regarde navré / la buée de mon souffle.
À l’écoute du spectacle du monde qui toujours recommence, la langue de Lucien Noullez est humble et malicieuse. Elle empoigne l’archet pour se jouer de la musique des choses, de celles que l’on partage simplement sans arrière-pensée avec autrui. Acteurs et lecteurs embarqués dans la même pièce de théâtre.
Une histoire commence quelquefois / quand je m’endors. / Cette nuit je faisais une valise compliquée / et je disais aux ombres autour de moi / qu’il était moins aisé de faire une valise / qu’un poème. / Et les ombres, comme au théâtre, / se sont mises à grogner. / C’était un beau rêve, même si je savais, dans mon sommeil, / que beaucoup partent sans valises.
Le texte en prose qui referme le recueil nous éclaire sur le lecteur Noullez. La lecture essentielle qui engendre l’écriture. Une lecture par grappillage qui constitue le socle sur lequel viennent s’agréger les rumeurs et les murmures du monde. Lucien Noullez, notre lecteur pèlerin !
Je lis souvent la poésie dans les cafés, dans les trams, ou ma fenêtre ouverte sur le boulevard. Cela me rend distrait, et je n’en lis que mieux. Je lis mieux, parce que mon entendement est alors multiple…Quand j’écris, c’est à peu près pareil. Ce n’est pas très sérieux.
Rony Demaeseneer
[1] Référence au recueil de Lucien Noullez, Un crayon pour des acrobates, Lausanne, Âge d’homme, 2006