Adolescences irl (in real life)

Un coup de cœur du Carnet

Mathilde ALET, Sexy Summer, Flammarion, 2020, 191 p., 17 € / ePub : 11.99 €, ISBN : 978-2-0815-0245-1

mathilde alet sexy summer flammarionJuliette, 14 ans, est électrohypersensible. En résumé, les ondes la rendent malade. C’est pourquoi ses parents ont décidé de quitter Bruxelles pour une « zone blanche » ardennaise. De manière moins poétique, on dirait un « trou perdu ». Entre deux années scolaires, les voilà donc qui débarquent tous les trois à Varqueville.

La déconnexion sur prescription médicale aidant, Juliette prend ses marques en allant à la rencontre du voisinage. Madame Lucie, le féminisme en bandoulière, des encas à offrir à portée de main, connue de tous et qui connaît tout le monde. Tom, un garçon de l’âge de Juliette, dont elle remarque le surpoids avant le bleu fascinant de son regard. Titoune, le petit frère intrépide qui, aussi maigrelet que son aîné est gros, n’a d’air de famille avec lui que le presque uniforme Quechua. Puis il y a ceux que l’effet de meute rend fiers et arrogants, bêtes et méchants : Jimmy et ses allures de chef, sa jolie petite amie Rosaldine et ses trois acolytes aux surnoms qui sonnent comme des noms de code – Mik, Trump et Mister K. Si on n’a pas forcément envie d’intégrer la bande à Jimmy, on ne veut clairement pas non plus avoir des ennuis avec elle.

Le physique de Tom fait de lui un parfait bouc émissaire, Juliette le sait. Elle sait aussi que sa propre maladie invisible est un prétexte tout trouvé à l’incrédulité, aux railleries, à l’exclusion ou autres agressions adolescentes, verbales ou physiques. Du coup, mieux vaut cacher les raisons de son déménagement… tout comme cette amitié naissante avec un garçon pas taillé pour le clan des populaires.

Sexy Summer, c’est une histoire d’ados, garantie sans sms, e-mails, ni réseaux sociaux. Et pas besoin de la technologie pour narrer l’état d’esprit propre à cette période ; entre recherche d’identité et besoin d’appartenance ; écoute de ses aspirations personnelles et crainte du regard des autres ; dépassement des préjugés et conformisme. L’électrohypersensibilité est un événement déclencheur original pour mettre en scène les émois, les guerres intestines et les conflits intérieurs typiques de cet âge ingrat. On ne peut pas parler de grand suspense mais le récit happe. Le style n’y est sans doute pas étranger : un rythme effréné renforcé par une ponctuation minimaliste, des mots et des images choisis avec soin ; une apparente simplicité qui laisse deviner un travail minutieux.

Il se dégage du roman de Mathilde Alet une grande sincérité. Les personnages sont criants de réalisme, avec leurs qualités, leurs imperfections, leurs incertitudes et ce qu’ils en laissent paraître en fonction des contextes. On sent aussi une tendresse pour eux partagée par l’autrice avec ses lecteurs, si bien que c’est avec un pincement au cœur qu’on les quitte en tournant la dernière page.

Estelle Piraux