Pour l’amour de B

Marc VAN STAEN, Le bourgmestre de Bruxelles, Scalde, 2020, 206 p., 20 €, ISBN : ISBN : 978-2-930988-14-6

marc van staen le bourgmestre de bruxellesLes capitales ont perdu une part de leur pouvoir d’attraction ces dernières années. Malmenées par les attentats et les virus, trop souvent associées à l’insécurité, à la pollution, au rythme trépidant et aux solitudes de la vie moderne, elles méritent que l’on se porte à leur chevet. Aussi un recueil de nouvelles reliées qui font de Bruxelles un personnage à part entière est-il le bienvenu. Telle est l’initiative de Marc Van Staen, qui s’est appliqué à nous en tirer un portrait impressionniste, multipliant les approches et puisant dans des registres divers.

Le premier texte, intitulé Retour de flammes à l’Inno, nous entraîne au cœur de l’incendie qui a ravagé le grand magasin le 22 mai 1967. Il mêle avec subtilité le fait divers et le registre de l’intime, les témoignages qui permettent de replonger dans la vie des années 1960 et de revenir sur des faits qui ont marqué les esprits. Ailleurs, nous voici en plein 21e siècle, dans les confidences d’une influenceuse bruxelloise qui s’apprête à quitter les réseaux sociaux et la vie tout court, dégoûtée de la méchanceté des propos qui la visent. Tout à la fois tragique et cocasse. Nous emboîtons ensuite le pas à un jeune employé de banque sans scrupules qui, de simple commis, grimpe les échelons avec force coups fourrés et esbroufe. C’était au temps où le papier régnait en maître dans les petites agences bancaires, dans un monde qui n’est plus. Avec Le bourgmestre de Bruxelles, nouvelle qui donne son titre au recueil, l’auteur s’en donne à cœur joie. Il suit le parcours d’un homme qui décide sur un coup de tête d’être candidat aux élections communales et qui construit un discours et un programme au gré de ses rencontres et de ses humeurs, sur fond de désillusion de l’électorat. Un morceau de bravoure qui fait la part belle aux discussions de comptoirs, sur un air de comédie de boulevard. Suit un petit meurtre embué de crachin belge avec retournement de situation à l’effet assuré. Le recueil se clôt sur une ambiance de kermesse comme on les aime ici. Un gamin arpente une braderie commerciale et nous livre ses observations. Avec lui, nous écoutons  les commentaires qui crachotent dans les haut-parleurs et nous assistons à une course cycliste de quartier comme on n’en fait plus.

Un brin nostalgiques, sans aucun doute nourris par les souvenirs personnels de l’auteur, ces textes un rien inégaux font la part belle à la convivialité, à ce que l’on nomme aujourd’hui le vivre ensemble, dans un brassage linguistique coloré comme on l’entend à Bruxelles. Celui qui virevolte dans les bars et sur les terrasses, dans les marchés et aux oreilles des amoureux et qu’aucun confinement ne parviendra à faire disparaître tant il touche au simple goût de vivre, ce virus tenace et contagieux.

Thierry Detienne