Michel VAN DEN BOGAERDE, Intailles et camées, Coudrier, 2020, 76 p., 18 €, ISBN : 978-2-390520-14-6
À l’Est, on maîtrise le grain de riz sur lequel dessiner le feuillu bambou avec minutie, ou encore l’œuf de jade où se croisent en détails les branches d’un arbre aussi minuscule que miraculeux. À l’Ouest, ce sont les intailles (en creux) et les camées (en reliefs) qui figurent de merveilleuses miniatures, entre gravures et sculptures ; souvent des portraits de la taille de petits médaillons. Cet art orfévré est très ancien : Les Romains, notamment, ont produit de remarquables camées en tirant parti des superpositions de tons de l’agate, de l’onyx, de la sardoine, etc., raconte Larousse.
Michel Van den Bogaerde met donc la barre très haut en titrant ainsi son recueil, Intailles et camées. D’autant plus au souvenir des Émaux et camées de Théophile Gautier (1852). On s’attend à des poèmes ciselés, de haute précision et qui impressionnent au premier coup d’œil. Pour illustrer, huit reproductions segmentent le livre. Cependant, elles sont de mauvaises qualités, pixellisées comme on dit, et elles ne peuvent rendre justice aux pièces d’origine.
La « Table des textes » en pagine vingt-deux et ouvre avec Crie ! qui appelle à la révolte individuelle : Tu es mort cent fois dans ta propre estime / Tes barricades sont mentales / Elles n’arrêtent personne / Sauf quelques poètes. Suivons ici son regard, on pense bien sûr à l’auteur. Crie ! / Il faudrait de la violence contre la violence / De la cruauté contre la cruauté / Tu es incapable, tout est dans ton crâne. Ni intailles, ni camées à ce stade : tabula rasa d’abord. L’injonction du cri court quinze fois sur huit pages sans finesse ; à l’image de l’état du monde qui y est dénoncé.
Les vingt-et-un textes suivant sont très divers. Fin de saison est une courte promenade automnale, calme et bucolique qui sent déjà la bûche. Le blanc et le gris, troisième texte, met en scène le corps et la mélancolie de l’auteur : Qui peut vouloir vraiment et vraiment / Désirer / Dans cette vie si brève / Quand il n’a nuls moyens ? Sinon, peut-être, ceux de la poésie ? Le sixième texte est un rafraîchissant sonnet dont le titre en Allemand est extrait de Lili Marleen. À propos, joli titre que le septième, Allegro barbaro façonné de trois strophes de rimes croisées, elles-mêmes embrassées.
Ainsi, le recueil est bien une collection de petites pièces et médailles plus ou moins taillées et polies, dont les reflets offrent contraste et intérêt car l’auteur a un cœur franc, hachuré d’entailles irrégulières et parfois profondes. Elles sont les « cicatristes » héritées d’espoirs jeunes et vifs, recousues par le temps, ce fil infini et inséré dans le chas de l’aiguille des secondes. Dont le poète fait sa plume, alchimiste qui métamorphose la pointe du chronomètre en un stylet griffant les pages.
Blessées, elles se résolvent à l’occasion par une épiphanie bienvenue : Votre vie vous paraît la seule possible, envisageable, puis, en levant les yeux, les nuages sont là, éternels et mobiles, et vous venez de trouver une justification au fait d’être, simplement.
Tito Dupret