Archives par étiquette : Le Coudrier

L’amour et le poème comme viatiques

Philippe COLMANT, À la marge du ciel, Préface de Philippe Leuckx, ill. de Philippe Colmant, Coudrier, 2024, 97 p., 20 €, ISBN : 978-2-39052-058-0

colmant a la marge du cielNé en 1964 à Bruxelles, Philippe Colmant est traducteur de formation et de profession. Depuis 2012, il exerce ses compétences de traducteur-réviseur au sein de l’unité française de la Cour des comptes européenne à Luxembourg. Auteur d’une dizaine de recueils de poèmes, il a obtenu le prix Jean-Kobs 2021 pour Cette vie insensée et le prix Delaby-Mourmaux 2023 pour Tectonique du temps. Il a également signé à ce jour quatre romans policiers mais considère la poésie comme son principal champ d’expression. Il est membre de l’Association des écrivains belges de langue française (AEB), de l’Association royale des écrivains et artistes de Wallonie (AREAW) et du Grenier Jane Tony. Il a également publié un recueil à quatre mains avec Philipe Leuckx, Frères de mots. Ce n’est pas leur seule collaboration, puisque Philippe Leuckx a signé et signe encore ici une  préface aux poèmes de Philippe Colmant tandis que ce dernier fait bénéficier de son art photographique l’édition du recueil de Leuckx, Matière des soirs. C’est d’ailleurs une caractéristique de la maison d’édition Le Coudrier que de publier des livres qui sont le fruit des divers talents des protagonistes de son catalogue, soit comme auteurs et autrices, photographes, dessinateurs et dessinatrices, peintres ou préfaciers. Le Coudrier favorise ainsi en son sein les dialogues multifonctionnels de ses membres. Continuer la lecture

De l’impermanence et du temps

Patrick DEVAUX, Statues ombellifères, illustrations de Catherine Berael, Coudrier, 2024, 61 p., 16 €, ISBN : 978-2-39052-060-3

devaux statues ombellifèresNé à Mouscron le 14 juillet 1953, Patrick Devaux éprouve dès l’enfance une attirance très forte pour la poésie. Sa rencontre avec la jeune poétesse Kathleen Van Melle, puis avec Paul, le père de celle-ci, qui l’intègre à ses activités littéraires au sein du G.R.I.L., accélère sa motivation pour l’écriture. Poète discret pour ne pas dire timide et volontiers enclin à la modestie, Patrick Devaux aborde progressivement dans ses thèmes tous les sujets, de la vie à la mort, de l’ombre à la lumière. Sa sensibilité le porte à observer la nature, à en saisir les images et les symboles, à en capter le transitoire et l’éternel retour. Continuer la lecture

Comment revisiter poétiquement le mythe

Edith HENRY, Le soir saigne rouge, ill. de couverture Rocio Pasalodos, ill. intérieures Catherine Berael, Coudrier, 2024, 75 p., 18 €, ISBN : 978-2-39052-055-9

henry le soir saigne rougeLa vieillesse rougit de son impiété /et moi, je rougis / de mes terres brûlées, écrivait Edith Henry dans J’ai septante ans et je danse la sardane. Ici le rouge — couleur du feu, de la passion, de l’amour, de la vie mais aussi des menstrues, de la violence et du sang — s’impose une fois de plus. Sous cet emblème de la couleur rouge, Pénélope, Circé, Mélusine et Xéna, figures féminines mythiques, vont décliner la dramaturgie de la vie et du destin. Pénélope, épouse d’Ulysse, est l’incarnation de la fidélité. Dans sa solitude, elle est toujours brûlante d’amour pour son époux parti au loin. Elle craint aussi la violence des hommes à laquelle elle fut et demeure confrontée. Dans ce premier chant, Edith Henry mêle habilement dans une même trame les fils de l’histoire et du mythe grec, y compris des références à une version postérieure de celui-ci, la Télégonie, une épopée du cycle troyen aujourd’hui perdue. On trouve la trace de cette version dans le second chant où Edith Henry donne la parole à la magicienne Circé : Continuer la lecture

L’atelier de l’écriture et la pensée du suspens

Jacqueline DE CLERCQ, Entre solstices et équinoxes, suivi de Des mots en un certain ordre assemblés, préface de Philippe Leuckx, peintures de Dominiq Fournal, Coudrier, coll. « Sortilèges », 2023, 73 p., 20 €, ISBN : 978-2-39052-045-0

de clercq entre solstices et equinoxesDeux parties, à la fois distinctes formellement et liées par la même thématique : l’espace-temps, donnent à lire une conception de l’art de l’ordre du peint ou de l’écrit. Les peintures de Dominiq Fournal qui rythment les différentes séquences du livre en sont une trace illustrative ; Jacqueline De Clercq s’inspire ici du peintre nabi et historien de l’art Maurice Denis pour qui il convient de  « se rappeler qu’un tableau — avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote — est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées ». Elle propose donc un ensemble très structuré : une première partie, Entre solstices et équinoxes, qui évoque les quatre saisons, chacune définie par trois poèmes, tous titrés, sauf la troisième, le printemps, qui n’est composé que d’un couple de poèmes ; une seconde partie, avec un prologue, quatre pièces en vers et un poème en prose final. Toutefois, la rigueur de cette structure est équilibrée par une liberté totale donnée aux vocables, provoquant des germinations de sens et de sonorités. Continuer la lecture

On est si peu à soi…

Philippe LEUCKX, Matière des soirs, préface de Jean-Michel Aubevert photographies de Philippe Colmant, Coudrier, 2023, 53 p., 18 €, ISBN = 978-2-39052-051-1

leuckx matiere des soirsPoète prolifique (dans la notice le concernant, à la fin de ce volume, il faut pas moins de quatre pages pour faire l’inventaire partiel de ses publications) Philippe Leuckx nourrit d’amitiés poétiques.

On sait la générosité avec laquelle il rend compte du travail de ses consœurs et confrères dans des articles, des rencontres littéraires, des préfaces. Ce sont ainsi deux de ces complices qui ornent le dernier recueil en date : Philippe Colmant photographie des ciels de soir tandis que Jean-Michel Aubevert ouvre le livre avec une préface dont la poésie tend un miroir fraternel à la détresse qui hante Matière des soirs. Continuer la lecture

Et je n’ai plus su ce qu’on sait des choses

Patrick DEVAUX, Le trou de ver, préface de Jean-Michel Aubevert, ill. Catherine Berael, Coudrier, 2023,  59 p., 16 €, ISBN : 978-2-39052-046-7

devaux le trou de verLa disposition typographique de la page participe-t-elle à la poésie ? Depuis Apollinaire, la question a trouvé réponse. Le trou de ver, dernier recueil de Patrick Devaux, se décline dans l’alignement vertical de vers courts (un mot, une préposition de deux lettres parfois). Il entraîne la lecture dans une verticalité vertigineuse. On ne peut éviter de s’interroger à nouveau ici, au gré des pages dont plusieurs s’ouvrent sur ce qu’on sait des choses. Continuer la lecture

Et pourtant elle est si vive…

Arnaud DELCORTE, Tessons au sable, photographies du poète, Coudrier, 2023,136 p., 22 €, ISBN : 978-2-39052-052-8

delcorte tessons au sableTrois ensembles composent la « Table des textes » du recueil Tessons au sable, qui associe poèmes et photographies composant un carnet de voyages. L’ouvrage s’ouvre sur deux exergues, citations de Paul Bowles et de Natsume Sôseki. La phrase extraite du Voyage poétique de l’écrivain japonais se découvre comme une balise à l’entrée d’une navigation, un premier « tesson » éclairant le cheminement auquel Arnaud Delcorte nous invite : rien ne me presse dans ce voyage… Quant à Bowles, ce sont ces moments fugaces et essentiels, vécus dans l’enfance,  qu’il nous invite à célébrer et que nous négligeons si volontiers. Continuer la lecture

Pour écrire, il faut…

Pascal FEYAERTS, Locataire, Coudrier, 2022, 45 p., 16 €, ISBN 978-239052-041-2

feyaerts locataireLes Éditons Le Coudrier ont confié à Philippe Leuckx, avec raison et bonheur, « l’avant-dire » du dernier recueil du poète hennuyer Pascal Feyaerts. Entre poètes, surgissent des émotions inattendues lorsqu’ils formulent cette empathie singulière qu’engendre le poème de l’un sous la plume de l’autre. Leuckx met en évidence avec justesse cet « univers de doutes, de clartés et d’ombres » qu’il décèle dans les pages du Locataire.

Quant aux illustrations de Derry Turla qui ornent le recueil, elles ouvrent les textes comme autant de vertiges nouveaux,  de prolongements de l’énigme irrésolue que propose le poète. Alternant dans les formats rectangulaires des visages estompés et des fragments d’édifices (maison, portiques), l’artiste semble fasciné par les regards qu’il a perçus dans les textes dont il devient le miroir. Continuer la lecture

Spleen et éros

Tristan SAUTIER, Vrilles, Illustrations de Liliane Gordos, Coudrier, 2022, 100 p., 18 €, ISBN : 978-2-39052-042-9

sautier vrillesDans ce recueil poétique placé sous le signe du rock et de l’ivresse, des bacchanales et de l’enfer, Tristan Sautier interroge, au plus nu, sans filet ni garde-fou, les rives du vivre et du mourir, de l’écrire et du jouir. Tom Waits et Rimbaud, les dieux tutélaires en exergue, donnent le beat d’un texte composé de divers fragments (écrits entre janvier 2013 et décembre 2021) qui, au travers d’une écriture ramassée, se tiennent au plus près de la traversée du rien, du temps des libations et des corps qui s’étreignent. Auteur d’une importante œuvre poétique et critique, aussi marginale qu’intransigeante (Le temps interdit, Le piège du sacré, Claire Venise, Lettres brûlées à l’amoureuse, En terre étrangère, Corps né sans, Embruns…), Tristan Sautier fore des textes à la verticale du vivre et de l’éprouver, voyageant dans des paysages où le réel siffle, où les sensations se resserrent sur les gouffres et sur les extases, sur le spleen et sur éros. Continuer la lecture

Sur l’aile des tendresses et des solitudes

Anne-Michèle HAMESSE, Un jour d’été à Central Park, Coudrier, coll. « Coudraie », 2022, 84 p., 18 €

hamesse un jour d'été a central parkMéfiez-vous, le titre du recueil Un jour d’été à Central Park est trompeur. Vous ne voyagerez que très peu au cœur de la « Grosse Pomme ». Ces nouvelles sentent plutôt le parfum du nord, flamand ou bruxellois.

Les gens applaudissent à son passage, dans les tournants son trône vacille, ça lui rappelle les moissons, quand elle parcourt les champs de blé juchée sur un tracteur, dans la foule certains lui lancent des pétales de rose, la rue est jonchée de pétales, la rue sent bon, une odeur de fleurs mûres qui se mêle aux senteurs de bière et de transpiration, c’est la fête, toute la Flandre vit au rythme de la Sainte-Marie, on dirait un tableau médiéval, une grande fête populaire, les gens sont heureux. Continuer la lecture

Camille et Arthur, des bornes stellaires

Isabelle BIELECKILes rescapés de l’aube : Valse nue / Le bateau de sable, Coudrier, 2022, 131 p., 20 €, ISBN : 978-2-39052-033-7

bielecki les rescapés de l'aubeÀ travers ce livre à deux temps, Les rescapés de l’aube (Valse nue et Le bateau de sable), Isabelle Bielecki s’empare de deux destins aussi tragiques l’un que l’autre : celui de Camille Claudel et d’Arthur Rimbaud.

Dans Valse nue, en sept tableaux et trois personnages principaux, l’autrice met en scène une Camille Claudel qui a déjà quitté son maître et amant Rodin et s’est éloignée de sa famille. Continuer la lecture

Pour vivre, la poésie

Luc DEL COR, Femme qu’on aime, Le Coudrier, 2021, 214 p., 24 €, ISBN : 978-2-39052-028-3

del cor femme qu'on aimeD’un tempérament discret, le poète Luc Del Cor n’est guère connu du grand public, malgré les quatorze recueils qu’il a publiés depuis 1980 chez différents éditeurs dont le Pré aux Sources ou Éole. Né à Uccle en 1947, il commence à écrire jeune adolescent, découvre ébloui la poésie de Baudelaire, puis Verlaine et Rimbaud, avant d’entrer au Service de la Lecture publique où il fera toute sa carrière. Séjournant à Orpierre en 1980, il s’éprend de ce vieux village des Alpes provençales où il reviendra chaque année et dont les réminiscences émaillent ses poèmes. Il a quarante ans quand se produit un séisme : à deux reprises, René Char le reçoit à l’Isle-sur-Sorgue pour des entretiens qui auront sur son art poétique une influence décisive. En témoignent des recueils tels que Juillet. Poèmes pour courtiser la femme (2002), Juillet. Matins roses et verts (2002), Le soulier du désir (2017). Paru fin 2021, Femme qu’on aime poursuit dans la même ligne exigeante, tendue comme une corde de violon, mais en un souffle inhabituel puisque le volume dépasse les deux cents pages : 159 poèmes répartis en neuf parties de longueur inégale, chacune précédée de citations littéraires et d’une photo en couleur. Continuer la lecture

L’art de la promenade

Michel JOIRET, Le long chagrin de mes jardins de ville, illustration de couverture de Rupert Joiret, Coudrier, 2022, 99 p., 18 €, ISBN : 978-2-39052-031-3

joiret le long chagrin de mes jardins de villeMichel Joiret est un marin au long cours de la littérature belge et, à l’occasion de ses quatre-vingts printemps, publie coup sur coup un roman aux Éditions MEO (Stella Maris) et un recueil de poèmes aux Éditions Le Coudrier. Quelle énergie et quelle longévité littéraire !

Saluons encore ici son attention permanente aux collègues, amies et amis de ce petit milieu littéraire qui ne cesse de s’agrandir.

Le long chagrin de mes jardins de ville est un livre au titre qui sonne comme une complainte et où les poèmes sont cependant en échos subtils à cette joie discrète de voir le temps passer… Cet opus marqué autant par l’émerveillement que par la mélancolie délie ses visions enchantées et mélancoliques dans le même temps, comme on feuillette un livre dont le texte nous rappelle le Grand Récit de l’homme qui est de trouver sa place en ce monde. Continuer la lecture

Pour peindre le portrait d’une poète-oiseau…

Patrick DEVAUX et Martine ROUHART, Mouvances de plumes, Ill. de Catherine Berael, Préface de Anne-Marielle Wilwerth, Coudrier, 2022, 52 p., 16 €, ISBN 978-239052-032-0

devaux rouhart mouvances de plumesDans l’ « avant-lire » qui ouvre le recueil paru aux éditions Le Coudrier, Anne-Marielle Wilwerth cite opportunément Chateaubriand : Les poètes sont des oiseaux : tout bruit les fait chanter. Les (trop rares) illustrations de Catherine Berael nous donnent à voir de ces oiseaux quelques crayonnés, de rouge et de noir, composés dans ces attitudes qui sont familières et que certains poèmes évoquent.

Patrick Devaux et Martine Rouhart déposent dans ce volume allègre et heureux, feuille à feuille, des poèmes composés à quatre mains. Quatre mains enlacées, complices, solidaires de l’émotion poétiques : elles ne sont pas identifiées. Au lecteur de tenter le jeu d’attribuer à l’une ou à l’autre telle ou telle fulgurance, telle ou telle image verbale, telle ou telle évocation. Il lui faudra beaucoup de familiarité avec l’œuvre de l’un, Patrick Devaux et de l’autre, Martine Rouhart, pour redistribuer les cartes et signer d’un seul nom l’une ou l’autre de ces mouvances. On aimerait savoir comment les affinités complices  ont orchestré les papiers / aux regards / d’encre. Continuer la lecture

De l’amitié, sa belle tessiture…

Philippe COLMANT et Philippe LEUCKX, Frères de mots, Coudrier, 2022, 90 p., 18 €, ISBN : 978-2-39052-030-6

colmant leuckx freres de motsPhilippe Colmant  et Philippe Leuckx se sont rejoints dans un volume écrit à quatre mains, orné de photographies en noir et blanc. Le titre Frères de mots se justifie d’emblée : rien n’indique auquel des deux Philippe attribuer tel ou tel poème. L’auteur des photographies, paysages de forêts et chemins de campagne enneigés, n’est pas davantage identifié dans ce recueil paru aux Éditions Le Coudrier.  C’est bien d’un entrelacement délibéré qu’il s’agit pour ces deux poètes, excluant que l’un se prévale d’une image fût-elle stylistique ou argentique.

Chaque poème donne à cette complicité un éclairage fraternel, d’autant plus intense que l’un et l’autre se retrouvent dans chaque mot déposé dont ils se dépossèdent. Y a-t-il échange plus profond que celui-ci, entre deux artistes, mêlant leur encre, rendant de l’amitié/ sa belle tessiture ?  Chaque page du recueil évoque avec une puissance que Montaigne – dont on sait les pages inoubliables que lui inspira la mort de son ami La Boétie –  ne récuserait pas, la force de l’amitié qui irradie de ces Frères de mots. Cette amitié sans laquelle semer le ciel/ reste hors de portée est déclinée en quatre-vingts variations évoquant le partage (partager la sente/et la mie du poème), la fidélité (de la main qui offre / tu sais cette sève / du don qui fait grandir) la communauté de la poésie (Et nos rimes fleurissent / Dans le vase de la vie), le silence bienvenu (Les portes béent / sur les mots / pleins de nos silences). Continuer la lecture

Chute ascensionnelle

Patrick DEVAUX, Le temps appris, Coudrier, 2021, 74 p., 16 €, ISBN : 978-2-39052-025-2

devaux le temps apprisÀ soixante-huit ans, Patrick Devaux prend désormais son temps. Surtout celui de la réflexion, se tournant face au passé comme devant un miroir. Il y mire ses souvenirs, y reconnait la nostalgie, y revoit des gens rencontrés et ceux qui ne sont déjà plus là. « Un souvenir est un acquis, ce n’est pas du temps perdu », m’explique-t-il par téléphone. Ainsi, le titre de son recueil, Le temps appris, signifie que ce dernier n’a rien pris sans laisser quelque chose, des bribes, des fragments, des poussières d’étoiles ; leur scintillement. Continuer la lecture