Bousculades lettrées

Jacques PERRY-SALKOW et Laurence CASTELAIN, Anagrammes dans le boudoir, illustrations Stéphane Trapier, Actes Sud, 2020, 15 € / ePub : 12.99 €, ISBN : 978-2-330-14088-5

perry-salkow castelain anagrammes dans le boudoirLe mot « anagrammes » vient du grec ancien anagramma, « renversement de lettres ».
Les anagrammes changent l’ordre des lettres d’un ou de plusieurs mots pour en former de nouveaux. De cette pirouette jaillit alors un sens caché, pour le plus grand plaisir des pêcheurs de perles. Avoir le feu sacré pour l’anagramme, c’est la rendre farceuse, trouver du cœur dans la douceur, cueillir les roses de la vie sous les averses de soleil et voir par-delà les nuages noirs des anges nus, le soir.
 

Par ces quelques phrases liminaires, qui offrent déjà une mise en jambe (en grasses), les auteurs posent l’ambition de l’exercice qu’ils déclinent au fil des pages dans le champ limité des relations amoureuses.

Discipline à part entière figurant parmi les littératures à contraintes, l’anagramme qui frappe juste ne doit pas sa réussite qu’à la simple trouvaille de combinaisons nouvelles aléatoires. Dans le sens où l’entendent Jacques Perry-Salkow et Laurence Castelain, les mots nouveaux, les expressions écloses apportent des jeux de miroirs, des contre-points ou mises en perspectives qui interfèrent avec la signification du ou des mots premiers qui s’en trouve ainsi augmentée. Ce décalage est souvent placé sous le signe de la rupture cocasse, désacralisant les images et idées reçues, mais il peut aussi renforcer, accentuer :

La demande en mariage          La rengaine de madame   

Mariage pour tous          Ou s’aimer par goût

Éducation sexuelle          Ou étincelles à deux

Au fil des Anagrammes dans le boudoir, les deux auteurs revisitent les classiques de le relation amoureuse et de l’érotisme sous toutes ses formes, de Baudelaire, Verlaine ou Rimbaud à Sade. Ou ils insèrent leurs créations dans de courts récits tandis que les illustrations de Stéphane Trapier ajoutent de nouvelles variations ludiques, donnant envie de revenir feuilleter ce petit volume ma foi bien riche à siroter sans sagesse.

Si le premier nom de ce duo d’auteurs est un habitué du genre que l’on associe directement à l’art de l’anagramme, celui de notre compatriote Laurence Castelain élargit la palette d’une artiste connue pour ses talents de bassiste et de chanteuse au sein du groupe Alk-A-Line. Elle se définit volontiers comme « Perversificatrice de mots », dans la plus pure tradition du surréalisme à la belge. De quoi nous donner bien envie de la découvrir en solo.

Thierry Detienne