Ralph VENDÔME, La théorie du parapluie, Scalde, 2020, 20 €, ISBN : 9782930988160
« Comment tenir les promesses des années d’insouciance ? Projections d’une légèreté dans un futur aux portes familières, faciles à ouvrir et à fermer. Serments non formulés, sans causes ni conséquences, juste l’enfance à recopier en grand ».
Ces quelques mots épinglés au seuil d’une des 16 nouvelles qui forment ce recueil donnent le ton : c’est essentiellement en terre d’enfance que nous conduit l’auteur, même s’il glisse çà et là des textes d’une autre portée. Et il concentre son propos sur les relations entre les personnes qui constituent le noyau familial : parents bien sûr, oncles et tantes, aïeux. Il étend son observation aux hôtes, attendus et moins désirables. Peu de détails, des impressions, des bribes de conversation qui tissent peu à peu l’économie du monde, qui dévoilent les ruses que chacun déploie pour rendre la vie moins cruelle. La découverte précieuse du remède du jardin secret, du pouvoir fabuleux de l’écriture, de l’art. Des notes de musique, des livres s’échappent des albums de souvenirs, les amours d’enfance déploient leur joyeuse magie :
Dans le bus, je m’installe à ses côtés et admire le paysage. Je me laisse aller contre son bras, elle sent bon. Elle dit que c’est l’odeur de l’amour que portait son père à sa mère quand ils étaient jeunes.
– « Moi aussi je sens bon ? »
« Non, tes parents ne t’aimaient pas quand ils t’ont conçu. »
Elle me laisse pleurer un moment et me chuchote à l’oreille : « Nos enfants sentiront bon, tu verras. »(L’odeur de l’amour)
Ralph Vendôme a su éviter de recréer artificiellement un mode enfantin. Chaque nouvelle mêle candeur et gravité et débouche sur des notes universelles qui résonnent en chacun de nous. Car il prend soin de relier le monde de l’enfance à celui des adultes, et surtout à l’univers désarmant de la vieillesse. Désorientés, dégagés des contingences de la vie active, les vieillards peuvent rejoindre dans leur légèreté celle des plus jeunes et établir de surprenantes connexions que ces nouvelles savent rendre avec subtilité.
Tout à la fois sobre et concise, l’écriture qui porte La théorie du parapluie contribue par sa tonalité poétique au charme indéniable de ce recueil. Les récits sont fluides et vifs, et au départ de récits distincts, ils campent avec justesse un univers aux contours communs et aux parfums tenaces.
Thierry Detienne