Catherine DESCHEPPER, Les pas perdus du Paradis, Beauvilliers, 2020, 167 p., 15,50 €, ISBN : 978-2-38123-043-6
Déjà très mature du haut de ses seize ans, Nathan refait le monde avec ses trois meilleurs amis. Sa grand-mère, elle, s’en évade au gré de fantaisies revendicatrices dont elle appréhende de moins en moins clairement les contours. La laisser vivre seule dans sa maison ou la faire emménager dans une séniorie, telle est la question qui s’invite régulièrement dans les disputes des parents de Nathan. Un jour de printemps, Saïma débarque dans cet univers, en entraînant le réagencement puis, le bouleversement.
Saïma a fui l’Érythrée avec sa famille. Leur demande d’asile refusée en France, sa mère et sa sœur sont arrêtées ; pas elle mais ça ne saurait tarder, mieux vaut rester cachée. Mais où ? Et si deux problèmes s’annulaient en se résolvant l’un l’autre ? Mamynou ne peut plus rester seule, Saïma veillera sur elle. Saïma ne sait pas où séjourner, la maison de la rue du Paradis sera son refuge. Et si quelque chose devait capoter, Nathan, et ses trois acolytes seront là pour aviser. Mais jusqu’à quand ? Une chose est sûre, il y aura un avant et un après, à plusieurs égards.
Les pas perdus du Paradis, c’est une histoire d’éveils : éveil de sentiments amoureux, éveil de consciences citoyennes, éveil de préoccupations d’adultes chez des adolescents, éveils de regards et de réflexions sur la vie et le monde. « C’est ça la vie ! » rappelle souvent Saïma, imitée par ses amis et protecteurs. Tandis que la lucidité de Mamynou s’amenuise, c’est celle de Nathan et de ses pairs qui prend de l’épaisseur. Un peu comme si les adolescents et la vieille dame devaient se croiser quelque part sur le chemin qui mène à l’indépendance, ou en éloigne.
C’est aussi une histoire de familles : famille de sang et famille choisie. Un récit autour des liens qu’on tisse, qu’on resserre, ou qu’on dénoue plus ou moins volontairement. Liens amoureux, liens d’amitié, liens parentaux, liens aussi qui se créent entre le lecteur et les personnages auxquels il s’attache. Via le récit délivré par Nathan, c’est toute la bande qu’on suit. À force de pas perdus, chacun va se trouver, ou commencer, ou continuer. « C’est ça la vie ! » Et relatée par Nathan, sous la plume de Catherine Deschepper, on aime s’en laisser conter une tranche.
Estelle Piraux